Le monde de la télévision est un colisée impitoyable où les rois d’hier peuvent devenir les parias de demain. L’émission “C à vous”, autrefois bastion imprenable de l’access prime-time sur France 5, semble en train de l’apprendre à ses dépens. Après une rentrée 2025 décrite comme “plus terne encore que l’an passé”, un constat s’impose : le public décroche. Les chiffres, froids et implacables, sont tombés, et ils font mal. Très mal.

L’émission, menée par Anne-Élisabeth Lemoine, a longtemps été la locomotive de la chaîne, un rendez-vous incontournable mêlant information, culture et convivialité. Mais après un peu plus d’un mois et demi de diffusion cette saison, l’heure est au premier bilan. Et il est loin d’être rose. La tendance à la baisse, déjà amorcée l’année précédente, non seulement se confirme, mais s’accélère, laissant planer le spectre d’un véritable “désamour”.

Le signal le plus fort, celui qui a mis la puce à l’oreille de tous les observateurs, est tombé ce jeudi 16 octobre. Anne-Élisabeth Lemoine a annoncé elle-même sa mise en retrait temporaire : “Demain, c’est Mohamed Bouhafsi qui animera. Nous, on se retrouve le 27 octobre en direct”. Derrière cette annonce se cache une décision inédite : pour la première fois depuis longtemps, l’équipe de “C à vous” prend une pause d’une semaine complète pendant les vacances de la Toussaint. La chaîne comblera le vide avec des “best-of”.

Pour beaucoup, ce “break” n’a rien d’anodin. Il est le “signe qui ne trompe pas”. Un aveu de faiblesse ? Une tentative désespérée de reprendre son souffle face à une hémorragie d’audience ? Derrière cette coupure, “certains y voient déjà une fatigue du public”.

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. La comparaison avec l’année dernière, à la même période, est douloureuse.

La première partie de “C à vous”, le cœur du réacteur, rassemble en moyenne 1,08 million de téléspectateurs, soit 7.6% de part d’audience. Un score qui ferait rêver bien des concurrents, certes, mais qui masque une érosion significative. L’an dernier, ils étaient 1,21 million pour 8% de part de marché. C’est un “recul discret mais réel”, qui s’ajoute, rappelons-le, à un recul déjà constaté l’an passé. La dynamique est clairement négative.

Mais c’est la suite de l’émission qui accuse le coup le plus dur. “C à vous, la suite” s’effondre littéralement, plafonnant à 646 000 téléspectateurs. L’année dernière, à la même période, cette partie attirait 749 000 fidèles. La perte est massive.

Le coup de grâce vient peut-être de la séquence la plus scrutée, celle qui devait apporter un vent de fraîcheur et capter un public plus jeune : la chronique de Bertrand Chameroy. Autrefois locomotive de la fin d’émission, sa partie passe désormais sous la barre symbolique et psychologique du million de fidèles. Elle n’attire plus que 975 000 personnes, contre 1,09 million en 2024. C’est un décrochage net, prouvant que cette partie “perd également beaucoup de points”.

Alors, que se passe-t-il autour de la grande table de France 5 ? La question est sur toutes les lèvres : “simple creux saisonnier ou début d’un véritable désamour ?”. Les analyses fusent, et plusieurs facteurs semblent se conjuguer pour expliquer cette chute.

Le premier, et le plus personnel, concerne l’animatrice elle-même. Anne-Élisabeth Lemoine, qui a succédé avec brio à Anne-Sophie Lapix, serait-elle en train de payer le prix de sa “surexposition” ? Présente “presque quotidiennement sur le service public depuis maintenant plusieurs années”, l’effet de lassitude semble poindre. Le public, autrefois charmé par sa spontanéité, commencerait à se lasser “de ses rires forcés”. Ce qui faisait sa force – une certaine décontraction – deviendrait-il son talon d’Achille ?

Cette fatigue présumée du public s’étendrait également à son chroniqueur star, Bertrand Chameroy. La baisse significative de son audience montre que son humour, autrefois bouffée d’air frais, peine peut-être à se renouveler ou à retenir un public de plus en plus volatil.

C’est là le deuxième problème majeur : la formule même de l’émission. “Certains observateurs notent que la formule, malgré quelques ajustements, peine à se renouveler”. “C à vous” a trouvé un équilibre parfait il y a des années, mais dans un paysage médiatique en perpétuelle mutation, l’immobilisme est un poison lent. Les concurrents, eux, ne dorment pas. La recette qui a fait le succès – un dîner, des invités de tous horizons, un mélange d’actualité chaude et de culture – est peut-être devenue trop prévisible.

Le public de 2025, bombardé de contenus sur toutes les plateformes, est plus exigeant, plus impatient. Il veut être surpris, bousculé. Les “rires forcés” d’Anne-Élisabeth Lemoine, s’ils sont perçus comme tels, deviennent le symbole d’une mécanique qui tourne à vide, d’une authenticité perdue.

Cette pause d’une semaine de Toussaint n’est donc pas de simples vacances. C’est un moment de vérité. L’équipe va-t-elle profiter de cette coupure pour analyser les causes profondes de ce désamour et préparer une contre-offensive ? Ou est-ce simplement un moyen de limiter la casse en remplaçant des chiffres décevants par un “best-of” aux audiences potentiellement moins scrutées ?

Le rendez-vous est pris pour le 27 octobre. Le retour en direct d’Anne-Élisabeth Lemoine et de sa bande sera observé à la loupe. Ce sera le véritable test. “C à vous” saura-t-il “reconquérir son public” et prouver qu’il ne s’agissait que d’un trou d’air passager ? Ou, au contraire, les téléspectateurs auront-ils pris d’autres habitudes, confirmant que “la fatigue s’installe durablement” ?

L’enjeu est de taille. Pour France 5, “C à vous” est plus qu’une émission, c’est une vitrine, une marque. Sa chute ne serait pas seulement un échec d’audience, ce serait la fin d’une époque. La grande table de “C à vous”, autrefois si convoitée, semble aujourd’hui vaciller.