Fermez les yeux. Nous sommes au milieu des années 90. Les lumières d’une boule à facette balaient une piste de danse bondée. L’air est électrique, chargé d’une énergie synthétique et d’une basse qui fait vibrer le plancher. Et puis, la voix retentit. Une voix puissante, soul, qui tranche avec le rythme mécanique : “La da da dee da da da da…” C’est “Be My Lover”. C’est La Bouche.
Pendant plusieurs années, ce son a été la bande-son officielle de toute une génération. Un hymne Eurodance incontournable, au même titre que “Sweet Dreams”, le single qui les a révélés. Derrière ce nom français se cachait un duo d’expatriés américains en Allemagne : Melanie Thornton, la voix d’or, et Lane McCray, le rappeur charismatique. Leur alchimie était évidente, leur succès, planétaire.
Pourtant, derrière le vernis brillant de la pop music, se jouait une histoire bien plus complexe. Une histoire de pression, d’ambition, d’un producteur au passé sulfureux et, finalement, d’une tragédie qui allait mettre un terme brutal à l’un des plus grands espoirs de la musique de cette décennie. C’est l’histoire de La Bouche, un conte de fées moderne qui s’est transformé en un drame inoubliable.

Pour comprendre La Bouche, il faut d’abord comprendre l’homme qui tirait les ficelles en coulisses : Frank Farian. Un nom qui, au début des années 90, était à la fois synonyme de génie commercial et de scandale retentissant. Farian, c’était l’architecte de l’ombre de la pop allemande, le créateur de Boney M. dans les années 70. Déjà à l’époque, il avait peaufiné sa “formule” : un son accrocheur créé en studio (il chantait souvent lui-même les parties masculines) et un groupe d’artistes au physique séduisant pour incarner le projet sur scène. Le danseur Bobby Farrell, par exemple, se contentait de synchroniser ses lèvres sur la voix de Farian.
Cette formule a atteint son paroxysme et son point de rupture avec Milli Vanilli. Le 14 novembre 1990, Frank Farian avoue publiquement ce que l’industrie murmurait : les deux visages du groupe, Rob Pilatus et Fab Morvan, n’avaient pas chanté une seule note de leurs chansons. Le scandale fut un séisme. Grammy Award retiré, procès en cascade, et une méfiance généralisée du public envers l’authenticité de la pop.
C’est sur les cendres de ce désastre que La Bouche est née en 1994. Farian avait compris la leçon : il ne pouvait plus tricher. Il avait besoin d’un projet de rédemption, un groupe avec de vrais chanteurs, un talent indéniable capable de résister à la méfiance du public. Il avait besoin de voix qui pouvaient, comme l’a confirmé Lane McCray, chanter en direct et a capella pour prouver leur valeur.
Il a trouvé ces voix chez deux Américains qui tentaient leur chance en Allemagne. Melanie Thornton, d’abord. Fascinée depuis l’enfance par les reines de la soul comme Aretha Franklin, elle peinait à percer aux États-Unis. Elle s’est donc envolée pour l’Allemagne en 1991, plongeant dans le circuit des clubs et travaillant comme chanteuse de studio. Sa voix était un diamant brut.
Lane McCray, lui, avait concilié une solide formation musicale avec un engagement dans l’US Air Force, qui l’avait conduit en Allemagne. Là-bas, il jouait dans un groupe de reprises, “Groovin’ Affairs”. C’est dans ce groupe qu’il a rencontré Melanie. La chimie entre la chanteuse soul et le rappeur charismatique fut immédiate.
En 1993, Melanie est engagée par des producteurs pour poser sa voix sur une base instrumentale Eurodance. Avec l’aide d’un autre rappeur, Robert Hayes, elle écrit et enregistre la démo de “Sweet Dreams”. La chanson arrive aux oreilles de Frank Farian. Il flaire le hit, acquiert les droits et décide d’en faire le fer de lance de son nouveau projet. Il ne manquait qu’un visage masculin. Melanie recommande aussitôt son collègue de “Groovin’ Affairs” : Lane McCray. Lane réenregistre le rap et le duo La Bouche est né. Quant au nom ? Une plaisanterie de Farian lui-même, qui, selon Lane, trouvait qu’ils “parlaient trop” et “avaient trop de bouche”. La blague est restée, en français.
“Sweet Dreams” sort en 1994 et c’est un succès immédiat, numéro 1 en Italie et un incontournable des radios européennes. Mais ce n’était que l’échauffement. En 1995, le duo sort “Be My Lover”. C’est une explosion. La chanson devient la signature du groupe, atteignant le top 10 dans 14 pays, et grimpant même jusqu’à la 6e place du très difficile marché américain.
Le plus incroyable est que le refrain le plus mémorable de la chanson, ce “La da da dee da da da da” fredonné par Melanie, était une pure improvisation en studio. L’équipe n’avait pas encore trouvé de paroles pour cette partie, et Melanie a simplement comblé le vide. Farian, flairant le coup de génie, a décidé de garder cette improvisation. Il venait de créer un refrain que le monde entier pouvait chanter. Le succès est colossal, l’album “Sweet Dreams” se vend à des millions d’exemplaires.

Mais la formule Farian, même avec de vrais chanteurs, restait une formule. Le deuxième album, “A moment of Love” (1997), bien que contenant de bonnes chansons, n’a pas réussi à recréer la magie. Le succès a commencé à décliner, et les tensions à monter.
Melanie Thornton, avec sa voix soul exceptionnelle, a commencé à se sentir “prisonnière de la formule de la bouche”. Elle voulait plus de contrôle, elle voulait explorer d’autres styles musicaux plus proches de ses racines. En 2000, elle prend la décision difficile de quitter le groupe pour poursuivre une carrière solo.
Officiellement, la séparation fut amicale. Mais Lane McCray a révélé plus tard que l’ambiance n’était pas si rose. Il s’est senti “laissé de côté” par l’équipe de production, qui a même tenté de continuer l’aventure La Bouche avec une nouvelle chanteuse, Natacha Wright. Mais la chimie n’existait plus.
De son côté, Melanie a prouvé qu’elle avait fait le bon choix. Sa carrière solo a décollé, principalement en Allemagne. Son plus grand succès fut la chanson “Wonderful Dream”, commandée pour une célèbre publicité de Noël de Coca-Cola. La chanson est devenue un classique instantané, un incontournable des fêtes de fin d’année en Allemagne. Melanie était au sommet, prouvant son talent au monde entier, loin de l’étiquette Eurodance.
Elle préparait la promotion de son nouvel album. Le 24 novembre 2001, elle se trouvait à bord d’un avion allant d’un concert en Allemagne vers la Suisse. Le voyage était presque terminé. Dans des conditions météorologiques défavorables, à quelques kilomètres seulement de l’aéroport de Zurich, l’avion s’est écrasé sur une colline dans la ville de Bassersdorf.
Melanie Thornton faisait partie des 24 victimes qui ont perdu la vie. Elle avait 34 ans.
La nouvelle a été un choc terrible dans le monde de la musique. Pour Lane McCray, la douleur a été dévastatrice. Il était à Las Vegas lorsqu’un ami l’a appelé pour lui annoncer la nouvelle, peu avant de voir le nom de Melanie défiler sur le bandeau d’information de CNN. En 2013, il confiait : “Nous n’avons jamais eu de relation amoureuse, mais nous avons passé presque chaque jour ensemble pendant trois ou quatre ans… C’était comme si on m’avait arraché le bras droit.”

Perdu, un agent lui a même conseillé de “chercher un vrai travail”, lui disant que “La Bouche était morte”. Mais Lane a décidé de persévérer. “Une nuit, alors que je conduisais,” raconta-t-il, “l’idée m’est venue. Elle aurait voulu que je continue et que je garde la musique vivante.”
Aujourd’hui, Lane McCray continue de porter l’héritage de La Bouche sur scène, s’entourant de nouvelles chanteuses pour faire vivre ces classiques des années 90. Il est la force qui empêche la flamme de s’éteindre. Et chaque fois que “Be My Lover” ou “Sweet Dreams” retentit, c’est un hommage à la voix inoubliable de Melanie Thornton, une étoile filante dont le destin tragique rappelle le prix parfois impitoyable de la gloire.
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