Anne-Sophie Lapix et Arthur Sadoun : quand l’épreuve de la maladie révèle la force insoupçonnée d’un couple discret

Depuis le début de sa carrière, Anne-Sophie Lapix impose une discrétion presque exemplaire sur tout ce qui relève de sa sphère privée. Figure rassurante, journaliste star du JT de France 2, elle préfère l’éloquence des faits à la mise en scène de sa vie de famille. Mais il est des circonstances, parfois bouleversantes, qui font voler en éclats les barrières du silence. C’est ce qui s’est produit lorsque son mari, Arthur Sadoun, président du directoire de Publicis, a été confronté à la maladie.

La pudeur d’un couple face à l’adversité

Entre Anne-Sophie Lapix et Arthur Sadoun, tout semble – de l’extérieur – maîtrisé, solide, harmonieux. Depuis leur mariage en 2010, la journaliste et le patron d’un des plus grands groupes mondiaux de communication conjuguent avec élégance l’exigence de leurs métiers et la construction d’une famille recomposée. Pourtant, en 2022, tout bascule. Arthur Sadoun apprend qu’il est atteint d’un cancer des amygdales, conséquence d’une contamination au Papillomavirus humain.

Anne-Sophie Lapix fait alors face à une double douleur : celle de la peur pour l’être aimé et celle, inédite pour elle, de devoir vivre une épreuve intime sous les regards inquisiteurs qui accompagnent toute personnalité publique. Sur le plateau de “C l’hebdo”, elle accepte, avec la retenue qui la caractérise, de se livrer : « Quand on a un proche dans cette situation, c’est normal d’être à son chevet et d’essayer de tenir le choc à ses côtés. Ça a été une énorme épreuve. »

Le choc, la peur et la détermination

Ce qui frappe dans le témoignage d’Anne-Sophie Lapix, c’est la sincérité des émotions furtives : « On ne s’y attend jamais et on est un peu étourdi par le danger et la peur de perdre quelqu’un. Après, moi, je n’ai jamais pensé que ça allait être fatal. Mais je l’ai vu effectivement extrêmement touché, physiquement et moralement. »

Dans les veines de la journaliste circule la fibre d’une “battante”, comme elle le confie : une femme qui n’abandonne pas, qui recherche la lumière même dans l’obscurité. Mais elle ne tarit pas d’admiration pour le courage de son époux : « Si moi je suis une battante, lui est bien au-dessus ! On est dans une force de caractère inouïe ! » D’un naturel optimiste, elle ne laisse jamais transparaître la panique – mais admet la profonde sidération, l’angoisse muette et la fatigue émotionnelle que traverse tout proche de malade.

Dire la vérité, briser un tabou

Ce qui différencie profondément Arthur Sadoun, c’est son choix d’assumer publiquement le combat. Il décide de parler de sa maladie, bravant les mises en garde de son entourage professionnel, et va même plus loin : il alerte ouvertement ses salariés dès le diagnostic. « On m’a dit qu’il fallait que je suive un traitement préventif fait de radios et de chimios. (…) Je savais que mon corps allait changer, je savais que je n’allais plus pouvoir voyager, alors j’ai décidé de rendre publique ma maladie. »

Ce geste est audacieux, presque révolutionnaire dans le monde feutré des grandes entreprises. “Parler de maladie, c’est souvent perçu comme un signe de faiblesse”, explique Sadoun. Mais, soutenu par sa femme — « mon épouse, ma famille, mes proches ont soutenu ma décision… Alors je l’ai fait ! » — il choisit la transparence plutôt que la clandestinité de la souffrance.

“Working with Cancer” : transformer la vulnérabilité en engagement

Guéri aujourd’hui, Arthur Sadoun a su tirer une force de cette épreuve : il s’est investi dans la fondation du mouvement “Working with Cancer”, qui milite pour que la maladie — et les peurs qu’elle engendre dans le monde du travail — ne soit plus un tabou. Le constat est glaçant : “Un salarié sur deux a peur d’en parler avec son employeur, c’est dingue, non ? Certains craignent de voir leur évolution stoppée, d’autres se font même opérer pendant leurs vacances”.

Le courage de rendre visible l’invisible ne se retrouve pas uniquement dans la prise de parole – c’est aussi, pour Sadoun, un acte de management. En encourageant la discussion, il entend protéger ses salariés de l’isolement, du stress supplémentaire qui s’ajoute au combat physique. Anne-Sophie Lapix, en femme de communication aguerrie, admire l’impact social de ce geste. Si l’épreuve est individuelle, l’engagement est collectif.

S’unir dans la tempête

Rarement aussi émotive à l’écran, la journaliste salue la force de caractère de son mari : « Je l’ai vu extrêmement touché, mais il a toujours gardé la tête haute ». Pendant les mois de traitement, elle prend naturellement le relais familial, veille à ce que ni les enfants ni le reste de la famille ne soient envahis par la peur. Derrière la réserve affichée, on devine les nuits blanches, l’angoisse silencieuse, l’énergie puisée dans l’amour pour tenir sans faiblir.

Elle dit aussi, pudiquement, combien leur couple en est sorti grandi. Si la maladie effraie, elle sert parfois de révélateur : « On est plongé dans le présent, dans l’essentiel. Les querelles secondaires s’effacent et l’on découvre chez l’autre des ressources jusqu’alors inconnues ».

L’amour discret, la vie retrouvée

Aujourd’hui, alors que le pire est derrière, Anne-Sophie Lapix ne livre rien de superflu. Elle continue de protéger son jardin secret, mais accepte que l’expérience partagée par son mari fasse avancer la société. Leur histoire, sans exhibitionnisme, éclaire d’un nouveau jour ce que traversent de nombreux couples : la force du soutien dans l’ombre, l’importance de la parole quand tout vacille, la dignité dans l’adversité, mais aussi la possibilité d’un renouveau après la tourmente.

En ces temps où la transparence est souvent galvaudée, le témoignage d’Anne-Sophie Lapix, délicat, modeste, montre que l’on peut parler de l’intime sans jamais trahir la pudeur. Sa fierté, son admiration pour Arthur Sadoun, sont celles de tous ceux qui découvrent, un matin, que la maladie n’appartient pas qu’aux statistiques, mais peut s’installer sans prévenir dans le quotidien d’une famille.