Le chanteur franco-israélien doit se produire aux Francofolies, un festival belge. Mais des artistes protestent contre sa présence. Un appel au boycott loin d’être une première.

Le festival n’a pas encore commencé, mais la polémique enfle déjà. Plusieurs personnalités invitées à se produire aux Francofolies, un festival de musique belge qui débute ce vendredi 18 juillet, ont annoncé se désolidariser de la programmation d’un artiste : Amir. Dans un texte commun, rapporté par la RTBF, les chanteurs Colt, Lovelace, Nicou, Lauravioli, Isaac, Libra Romea, CHOSE, SMR, Nkey et Mado évoquent différentes raisons, initialement mises en avant par le collectif Liège Occupation Free au mois de juin.

« Nous sommes un ensemble d’artistes mal à l’aise par rapport à la participation d’Amir au festival suite aux révélations faites par des associations militantes parce qu’elles témoignent de faits qui nous dérangent fortement », explique un ou une membre du collectif d’artistes, qui souhaite rester anonyme et rappelle soutenir « la diversité des modes d’action ». Le communiqué dénonce notamment la présence du chanteur franco-israélien « à un événement dans la colonie illégale d’Hébron » en août 2014, mais également à une soirée de soutien à Tsahal.

Cet événement dédié aux soldats israéliens avait été organisé par Yoni Chetboun, un officier membre du parti nationaliste d’extrême droite HaBayit HaYehudi. Le collectif reproche également à Amir « son absence de prise de position critique face aux crimes commis par le gouvernement israélien, tout en ayant publiquement exprimé son soutien à celui-ci ». Amir a vécu une partie de son enfance en Israël, où il a par la suite fait son service militaire en tant que sergent-chef dans les renseignements de l’armée israélienne.

« Mon cœur pleure pour tous les innocents »

Il se fera d’ailleurs connaître dès 2006 en Israël en atteignant la finale de Kokhav Nolad, la version israélienne du télé-crochet Nouvelle Star. Dans son dernier album, C Amir, en 2024, il avait rendu hommage aux victimes du 7 octobre 2023 avec le titre « Supernova ». Le festival de musique électronique Nova était une des premières cibles des terroristes du Hamas. Ils avaient assassiné 364 personnes et fait de nombreux otages.

Le chanteur avait accordé un entretien à PureCharts dans lequel il évoquait ce titre. « Ce serait criminel de se taire », avait-il déclaré. « Ils étaient tous innocents. Ils venaient juste à une soirée pour s’amuser… L’image des gens qui courent, qui essaient de fuir pour rester vivants, est tellement marquante que c’est ce qui nous est venu en premier pour illustrer ce désastre. […] Si on a été outrés par ce qui est arrivé au Bataclan, on ne peut qu’être outrés par ça. »

Fin novembre 2023, il confiait à la DH, l’un des principaux quotidiens généralistes en Belgique francophone, que « ce qu’Israël fait lui a été imposé [référence aux opérations militaires contre la bande de Gaza, NDLR]. Ce qui se passe est très compliqué et il y a des victimes des deux côtés. Mon cœur pleure pour tous les innocents qui meurent dans cette guerre. Une guerre, c’est par essence injuste. Même si parfois elles permettent d’atteindre des objectifs, le prix pour y arriver est très élevé. Personne n’a envie de se retrouver dans cette situation. Aucun des soldats israéliens qui est aujourd’hui sur le front n’avait envie de mener une guerre. Mais, grâce à cet effort, à ce risque pris, ils parviendront peut-être à éteindre le terrorisme et l’obscurantisme qui prend des proportions énormes dans la région, comme on l’a vu le 7 octobre ».

Sa présence maintenue

Trois artistes féminines, la chanteuse franco-suisse Yoa et deux musiciennes du collectif belge de street art Who’s That Girl, ont indiqué se retirer de l’événement. DJ RaQL devait se produire dimanche à ce festival prévu sur quatre jours à partir de jeudi. « Je préfère rester alignée avec mes valeurs et mon engagement pour la Palestine », a-t-elle indiqué. Yoa devait quant à elle chanter vendredi, le même jour qu’Amir. Dans un communiqué, la direction des Francofolies a reconnu avoir reçu ces quinze derniers jours de nombreux appels à la déprogrammation d’Amir, tout en annonçant sa décision de le maintenir. « Nous sommes révoltés par la tragédie en cours à Gaza » et « il est compréhensible que des citoyen(nes) et des artistes nous interpellent sur les engagements d’un artiste à l’affiche », a fait valoir le festival.

Mais, concernant Amir, « aucune prise de parole propagandiste n’a jamais été observée sur scène » et « nous ne sommes pas en mesure d’évaluer moralement sa trajectoire personnelle » autrement que par ses chansons traitant de « thèmes universels et consensuels tels que l’amour, la fête, la quête de soi et la résilience ». La Licra a apporté son soutien, estimant qu’Amir était « victime de la sottise militante ». Le chanteur ne s’est pas exprimé, lui qui, ces derniers mois, est habitué à ces polémiques : à la fin du mois de juin, il a interrompu sa prestation sur la scène des Grandes Fêtes de Lens devant un groupe de militants munis de drapeaux palestiniens.

« Je chante une chanson en mémoire de ma grand-mère qui a grandi au Maroc, qui parle arabe. Moi, j’ai grandi en Israël. Il s’agit d’un message de paix, les amis. Et si vous n’êtes pas suffisamment fins, si vous n’êtes pas suffisamment sensibles pour le comprendre, et que vous choisissez le moment où je chante pour ma grand-mère défunte pour sortir ce drapeau… », avait-il alors expliqué sur scène. « Je prie pour votre santé et je prie pour que vous ayez suffisamment d’amour dans votre cœur et de place pour accueillir la paix. J’espère que ma grand-mère m’entend pour vous envoyer cette bénédiction. Salam, shalom, peace. »