Ils étaient la définition de la perfection pop. Quatre Suédois, deux couples magnifiques, des refrains si accrocheurs qu’ils sont devenus la bande-son de la planète. En 1974, ABBA a conquis le monde avec “Waterloo” lors d’un concours Eurovision. De là, ce fut une ascension fulgurante : plus de 400 millions d’albums vendus, un statut d’icône au même rang que les Beatles ou Queen. L’image qu’ils projetaient était celle d’une harmonie totale, de succès et d’amour. Mais derrière les tenues scintillantes et les sourires de façade, la réalité était un drame shakespearien fait de trahisons, de crises d’angoisse et de séparations si brutales qu’elles ont inspiré leurs plus grands succès. L’histoire d’ABBA n’est pas un conte de fées ; c’est une tragédie pop.
L’histoire commence bien avant le nom “ABBA”. Elle commence avec deux hommes. En 1966, Benny Anderson, claviériste des “Beatles Suédois” (les Hep Stars), rencontre Björn Ulvaeus, membre d’un groupe folk. L’alchimie musicale est instantanée. Ils commencent à composer ensemble, sous l’aile de Stig Anderson, qui deviendra leur manager et le cerveau commercial du futur groupe. Mais il leur manquait les voix.

Ces voix appartenaient à deux femmes déjà exceptionnelles. Agnetha Fältskog était une véritable star en Suède avant même de rencontrer les garçons. Compositrice et chanteuse, son premier single s’était vendu à 80 000 exemplaires. Björn l’a rencontrée dans les coulisses d’un concert et, subjugué par son talent, en est tombé amoureux. Ils se marient en 1971. L’autre voix, c’est Anni-Frid “Frida” Lyngstad. Son histoire est tragique : née en Norvège pendant l’occupation allemande, fruit d’une liaison entre sa mère et un soldat ennemi, elle a dû fuir en Suède avec sa grand-mère pour échapper aux représailles. Sa mère est décédée à 21 ans. C’est lors d’un festival que Benny la rencontre et que le deuxième couple se forme.
Au début, les quatre collaborent de manière informelle. Ils tentent un spectacle de cabaret en 1970, qui est un échec cuisant. Ils sortent une chanson “People Need Love” en 1972, qui connaît un succès modéré. En 1973, ils tentent leur chance à la sélection suédoise pour l’Eurovision avec “Ring Ring” et échouent, terminant troisièmes. C’est là qu’ils décident d’adopter un nom simple, un acronyme de leurs prénoms : ABBA. L’année suivante, le 6 avril 1974, ils retentent leur chance. Sur la scène de l’Eurovision en Angleterre, avec des tenues flamboyantes et un titre au rythme irrésistible, “Waterloo”, ils offrent à la Suède sa toute première victoire. Le monde vient de basculer.
La gloire, cependant, n’est pas immédiate. Le groupe souffre de la “malédiction de l’Eurovision”, et il leur faut 18 mois pour prouver qu’ils ne sont pas un “groupe éphémère”. C’est le single “SOS” qui les remet sur la carte, suivi de l’ouragan “Mamma Mia” en 1975, qui devient numéro 1 au Royaume-Uni et en Australie. Dès lors, la machine est inarrêtable. “Fernando”, “Dancing Queen” (leur seul numéro 1 aux États-Unis), “Take a Chance on Me”, “Chiquitita”… le groupe domine le monde, traversant même le Rideau de Fer. En 1977, leur film “ABBA: The Movie” est diffusé en Union Soviétique, un exploit impensable à l’époque.

Mais ce que le public adore, c’est cette image de deux couples heureux, faisant de la musique ensemble. Cette image était un mensonge qui commençait à se fissurer. Le rythme infernal des tournées est le premier coupable. Sept années passées à parcourir le monde ont un impact dévastateur, surtout sur Agnetha. Mère de deux jeunes enfants, elle souffre terriblement de l’éloignement. Pire, elle développe des phobies sévères : la peur des foules, du bruit, et surtout, une phobie panique de l’avion. Chaque nouvelle tournée augmente son anxiété. Pendant ce temps, les rumeurs d’infidélité de Björn se multiplient dans la presse.
En 1979, au sommet de leur gloire, le premier couperet tombe : Agnetha et Björn annoncent leur divorce. Le choc est immense pour les fans. Mais pour Agnetha, le cauchemar ne fait que commencer. À peine une semaine après leur séparation, Björn est aperçu au bras d’une autre femme, la présentatrice suédoise Lena Källersjö. Il l’épousera deux ans plus tard. Pour Agnetha, c’est un coup de poignard. Elle sombre dans une profonde dépression. “J’ai pleuré,” confiera-t-elle plus tard. “Ça m’a fait très mal qu’il ait trouvé quelqu’un d’autre si vite.”
La douleur de cette trahison va être immortalisée de la manière la plus cruelle qui soit. Björn et Benny, les compositeurs, se mettent à écrire des chansons plus sombres, plus mélancoliques. L’une d’elles s’intitule “The Winner Takes It All”. C’est un monologue déchirant d’une femme qui a perdu son homme au profit d’une autre. Et Björn demande à Agnetha, son ex-femme fraîchement quittée, de la chanter. Les paroles sont d’une précision chirurgicale : “Dis-moi, l’embrasse-t-elle comme je t’embrassais autrefois ?”. Jamais une chanson pop n’avait exposé une blessure personnelle de façon aussi publique et impitoyable.
L’image des deux couples parfaits est brisée. Mais le groupe continue, faisant semblant. Il ne faudra pas longtemps pour que le deuxième couple s’effondre à son tour. Benny et Frida, bien qu’ensemble depuis la fin des années 60, ne s’étaient mariés qu’en 1978. Leur union ne dure que trois ans. Ils divorcent en février 1981. Et, tel un écho sinistre à l’histoire de Björn, Benny épouse lui aussi très rapidement sa nouvelle compagne, la productrice Mona Nörklit, qui était la raison de son divorce. Les deux hommes du groupe ont quitté leurs femmes et les ont remplacées presque immédiatement. ABBA, le groupe, est désormais composé de deux ex-couples qui se détestent.

Les albums suivants reflètent cette obscurité. “Super Trouper” contient “The Winner Takes It All”. L’album final, “The Visitors” (1981), est marqué par une profonde mélancolie. Le single “One of Us” sonne comme un présage. La magie a disparu, remplacée par la tension et l’usure. En 1982, le groupe annonce une “pause temporaire”. Tout le monde comprend que c’est une fin définitive.
Après ABBA, les vies des quatre membres prennent des tournures radicalement différentes. Björn et Benny continuent leur collaboration fructueuse, composant des comédies musicales à succès comme “Chess” et, surtout, “Mamma Mia!”. Ce spectacle, basé sur les chansons d’ABBA, va relancer la popularité du groupe auprès d’une nouvelle génération et asseoir leur fortune.
Pour les femmes, la vie post-ABBA est plus complexe et tragique. Anni-Frid, déjà marquée par son enfance, poursuit une carrière solo. En 1992, elle entre dans la royauté en épousant un prince suisse. Mais le destin la frappe à nouveau : un an avant la mort de son mari d’un lymphome en 1999, sa fille décède dans un accident de voiture à 30 ans. Aujourd’hui, elle vit en Suisse, gérant une fortune estimée à 300 millions de dollars.
Agnetha, elle, fait ce dont elle rêvait depuis des années : elle disparaît. Traumatisée par la gloire, elle s’isole du monde à Stockholm. Les tragédies personnelles s’accumulent : sa mère décède tragiquement en 1994, suivie de son père l’année suivante. Elle est également victime pendant des années du harcèlement d’un fan obsessionnel. Pendant longtemps, elle ne chante plus, n’écoute même plus de musique, désirant seulement une vie normale.
Pendant des décennies, les fans ont rêvé d’un retour. En 2000, une offre ahurissante d’un milliard de dollars leur est faite pour une tournée de 100 concerts. Ils refusent. Pour eux, ABBA doit rester un souvenir parfait.
Et puis, 40 ans après leur séparation, l’impensable se produit. En 2021, le groupe annonce “Voyage”, un album de 10 nouvelles chansons. Et en 2022, ABBA “remonte sur scène” à Londres. Mais pas les septuagénaires qu’ils sont devenus. Sur scène, ce sont leurs “ABBAtars” : des avatars numériques parfaits, recréés à leur image des années 70, bottes à plateforme et paillettes incluses. “Nous avons mis nos cœurs et nos âmes dans ces avatars,” a déclaré Björn, “et ce sont eux qui prendront le relais à partir de maintenant.” C’est la conclusion parfaite pour un groupe dont l’image publique était si puissante qu’elle a fini par survivre aux drames humains qui l’ont forgée.
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