Dans l’éclat scintillant d’Hollywood, certaines histoires d’amour brillent plus fort que les projecteurs, pour s’éteindre parfois dans une mélancolie déchirante. À 83 ans, l’icône Ann-Margret, celle que l’on surnommait la “version féminine d’Elvis”, ouvre enfin son cœur. Avec une franchise désarmante et une émotion intacte, elle revient sur ce chapitre brûlant de sa vie : sa relation passionnée, fusionnelle et finalement tragique avec le King lui-même, Elvis Presley.

Il est des rencontres qui changent une vie à jamais. Pour Ann-Margret Olsson, la petite immigrée suédoise devenue la coqueluche de l’Amérique, cette rencontre a eu lieu en 1963, sur le plateau du film Viva Las Vegas. Ce qui ne devait être qu’une collaboration professionnelle s’est transformé en un coup de foudre dévastateur, une connexion d’âmes si puissante qu’elle résonne encore six décennies plus tard. Aujourd’hui, alors qu’elle contemple son passé avec la sagesse de ses 83 printemps, Ann-Margret nous offre une plongée intime dans l’une des romances les plus fascinantes et les plus méconnues du XXe siècle.

Une Alchimie “Électrique” et Immédiate

Imaginez la scène : deux des plus grandes stars de l’époque, jeunes, belles et au sommet de leur gloire, se faisant face pour la première fois. L’introduction par le réalisateur George Sidney fut banale, mais ce qui s’ensuivit ne le fut pas. “Ann-Margret, voici Elvis Presley.” En cet instant précis, l’air s’est chargé d’électricité. Ann-Margret se souvient de ce frisson, de ce courant presque physique qui les a traversés tous les deux. “C’était une force que nous ne pouvions pas contrôler”, a-t-elle confié.

Ce n’était pas seulement une attirance physique, bien que celle-ci fût indéniable et crevait l’écran. C’était une reconnaissance mutuelle. Ann-Margret et Elvis ont découvert qu’ils étaient des miroirs l’un de l’autre. “Nous étions des âmes sœurs”, révèle-t-elle dans ses mémoires. Tous deux partageaient cette dualité étrange : une timidité maladive et une grande réserve dans l’intimité, contrastant avec une énergie sauvage, débridée et presque explosive une fois sur scène.

Cette connexion se traduisait par des virées nocturnes en moto à travers les collines de Los Angeles, une passion commune pour la vitesse et le danger. Ils étaient deux esprits libres, deux enfants perdus dans la machine hollywoodienne, trouvant refuge l’un chez l’autre. Sur le plateau, leur complicité était telle qu’ils disparaissaient souvent dans la loge d’Elvis entre les prises, se tenant la main, isolés dans leur bulle, loin du tumulte des techniciens et des agents.

L’Ombre de Priscilla et la Fin Inévitable

Cependant, cette idylle féerique se heurtait à une réalité complexe. Elvis n’était pas un homme libre. Sa relation avec Priscilla Beaulieu, qui attendait patiemment à Graceland, planait comme une ombre menaçante sur leur bonheur. L’intensité de la relation entre Ann-Margret et Elvis a provoqué des ondes de choc jusqu’à Memphis. Priscilla, sentant le danger, est entrée dans une colère noire en apprenant l’existence de cette rivale si semblable à son homme, allant jusqu’à briser un vase contre un mur de rage.

Mais ce n’était pas seulement la jalousie qui menaçait leur couple. Le Colonel Parker, le manager omniprésent et manipulateur d’Elvis, voyait d’un mauvais œil cette union. Il craignait qu’Ann-Margret, avec son immense talent et son charisme, ne fasse de l’ombre au King. De plus, Elvis, dans sa vision traditionnelle du couple, cherchait une femme plus docile, prête à se consacrer entièrement à lui et à son foyer. Ann-Margret, avec sa carrière florissante et sa personnalité forte, ne correspondait pas à ce moule. “Nous avions tous deux tendance à vivre sur le fil, à être autodestructeurs”, a-t-elle admis. Deux feux aussi ardents risquaient de tout brûler sur leur passage.

La rupture fut lente et douloureuse. Elvis a commencé à s’éloigner, cessant de répondre aux appels, laissant le silence s’installer là où il y avait eu tant de rires et de musique. Le coup de grâce est tombé en mai 1967. Le 1er mai, Elvis épousait Priscilla à Las Vegas. Une semaine plus tard, le 8 mai, Ann-Margret épousait l’acteur Roger Smith dans la même ville.

Des Larmes le Jour de son Mariage

C’est ici que la confession d’Ann-Margret devient la plus poignante. Alors que la plupart des mariées rayonnent de bonheur, Ann-Margret a passé la cérémonie à pleurer. “J’ai pleuré tout au long du mariage”, avoue-t-elle. Ces larmes n’étaient pas de joie, mais l’expression d’un cœur brisé, d’un deuil amoureux qui ne disait pas son nom. Elle aimait Roger Smith, qui deviendra le roc de sa vie pendant 50 ans, mais l’ombre d’Elvis planait encore, immense et douloureuse.

Pourtant, le destin a voulu que Roger soit l’homme qu’il lui fallait. Contrairement à la passion destructrice avec Elvis, sa relation avec Roger était bâtie sur un soutien inébranlable. Roger a sacrifié sa propre carrière d’acteur pour devenir son manager, la protégeant et la guidant pendant cinq décennies jusqu’à sa mort en 2017. “Il se concentrait sur moi, et je me concentrais sur lui”, dit-elle avec tendresse.

Les Fleurs en Forme de Guitare : Un Lien Par-delà la Séparation

Même mariés à d’autres, le lien entre Ann-Margret et Elvis ne s’est jamais rompu. Il s’est transformé. Elvis, fidèle à sa manière, a instauré une tradition secrète et touchante. À chaque fois qu’Ann-Margret débutait un nouveau spectacle à Las Vegas, elle trouvait dans sa loge un immense arrangement floral en forme de guitare. C’était la signature du King, un message silencieux pour lui dire : “Je suis là, je te regarde, je ne t’oublie pas.”

Pendant dix ans, ce rituel a perduré. Jusqu’à ce jour fatidique du 15 août 1977. Ann-Margret se préparait pour une représentation au Hilton. Elle a cherché du regard les fleurs habituelles. Il n’y avait rien. Pas de guitare fleurie. Pas de message. Un froid glacial l’a envahie. Le lendemain matin, la nouvelle tombait : le King était mort. L’absence de fleurs avait été le premier messager de la tragédie.

Dévastée, Ann-Margret s’est rendue aux funérailles à Graceland, l’une des rares célébrités d’Hollywood à être intimement accueillie par la famille, y compris par Vernon, le père d’Elvis, qui l’a serrée dans ses bras en pleurant.

Une Légende Vivante

Aujourd’hui, à 83 ans, Ann-Margret ne regarde pas en arrière avec amertume, mais avec gratitude. Sa carrière est une fresque éblouissante : découverte par George Burns, nominée aux Grammys, lauréate de Golden Globes, star de classiques comme Bye Bye Birdie et Tommy. Elle a traversé les époques, survécu à un accident terrible en 1972 qui l’a laissée défigurée et a nécessité une reconstruction faciale, combattu ses propres démons liés à l’alcool, et est revenue, encore et toujours, plus forte.

Mais au cœur de cette vie extraordinaire, l’histoire avec Elvis reste un joyau particulier. C’est l’histoire de deux étoiles qui se sont croisées, se sont aimées avec une intensité rare, et qui, forcées de suivre des orbites différentes, ont continué à briller l’une pour l’autre de loin.

En brisant le silence, Ann-Margret ne fait pas que raconter des souvenirs ; elle rend hommage à un amour pur, celui de deux “âmes sœurs” que la vie a séparées mais que le cœur a gardé unies. Une leçon d’amour, de respect et d’éternité qui nous rappelle pourquoi ces deux légendes resteront à jamais gravées dans nos mémoires.