Julio Iglesias est plus qu’un chanteur. C’est une icône mondiale, un mythe vivant, un artiste dont la voix suave et les ballades romantiques ont défini une époque. Mais pendant des décennies, sa vie a été un terrain fertile pour les spéculations, les rumeurs et les documentaires non autorisés. Aujourd’hui, à 81 ans, le “Sinatra espagnol” a décidé qu’il était temps de reprendre le contrôle du récit. Dans une annonce fracassante, Netflix a confirmé un accord pour adapter sa vie à l’écran, marquant la première fois que l’artiste participera activement à la narration de sa propre histoire.

“Pendant des années, il y a eu beaucoup de spéculations, de livres et de documentaires sur ma vie auxquels je n’ai jamais participé,” a partagé Iglesias. “Maintenant, j’ai décidé de révéler la vérité sur mon parcours.” Cette “vérité” est celle d’un homme à la destinée hors norme, brisé puis réinventé, un homme dont la légende de “Latin lover” a souvent éclipsé les drames personnels. Et au cœur de cette légende, il y a cette rumeur folle, ce chiffre qui le poursuit : 3000 femmes.

La première vie brisée : le gardien du Real Madrid

Avant les disques de platine et les concerts à guichets fermés, la vie de Julio Iglesias était destinée aux terrains de football. Né en 1943 dans une famille aisée de Madrid, le jeune Julio excellait dans le sport. Il n’était pas un joueur amateur ; il était gardien de but pour l’équipe réserve du Real Madrid, partageant le vestiaire avec des noms notables et rêvant d’une carrière professionnelle au sein de la prestigieuse équipe première. Parallèlement, il poursuivait des études de droit, un avenir doré tracé devant lui.

Cet avenir a volé en éclats dans la nuit du 22 septembre 1962. À la veille de terminer ses études, Julio et ses amis ont été victimes d’un terrible accident de voiture. Le pronostic médical fut sombre : il est resté semi-paralysé, avec peu d’espoir de remarcher un jour. Sa carrière de footballeur était terminée. Sa vie, telle qu’il la connaissait, s’était arrêtée net à 2h du matin sur une route de Madrid.

La renaissance par la musique

La convalescence fut longue, une épreuve d’un an et demi. C’est dans cette obscurité, à l’hôpital, qu’une nouvelle lumière est apparue sous une forme inattendue. Un jeune infirmier, Eladio Madaleno, lui offrit une guitare pour l’aider à exercer ses doigts et, surtout, à passer le temps. Julio, qui n’avait jamais envisagé une carrière musicale, commença à gratter l’instrument, à mettre en musique les poèmes qu’il écrivait. La douleur et la tristesse se sont transformées en mélodies.

De cet accident tragique est né l’artiste. Après avoir retrouvé sa mobilité, il partit à Cambridge pour apprendre l’anglais, chantant le week-end dans un pub local. C’est là qu’il rencontra Gwendoline Bollor, celle qui lui inspira l’une de ses premières chansons célèbres, “Gwendoline”. Le destin avait basculé.

L’aveu sur la rumeur des 3000 femmes

Le succès fut fulgurant. Avec la gloire est venue la réputation. Son charme charismatique et son élégance lui ont valu le surnom de “Sinatra espagnol”, mais aussi celui de “cœur d’artichaud”. Sa réputation romantique est devenue presque aussi célèbre que sa musique. Et puis, la rumeur est née. Un chiffre, précis et invraisemblable : 3000 femmes.

Pendant des décennies, on l’a interrogé sur ce chiffre. Que cache donc “l’aveu” que nous soupçonnions tous ? La vérité est peut-être dans sa réponse malicieuse. Lorsqu’on lui en a parlé, il a balayé la rumeur d’un sourire, se souvenant du moment où son manager lui avait mentionné ces bruits de tabloïd lors d’un séjour à Londres. Sa réponse à l’époque ? “Je leur ai dit : ‘ne dites à personne que ce n’est pas vrai’.”

C’est là que réside le génie d’Iglesias : il a compris que le fantasme faisait partie de sa légende. Il a admis être un “homme flirteur”, un “gars de rock and roll”, mais a toujours souligné la différence entre le fantasme des tabloïds et la réalité. “Je ne compte pas les chiffres. Je respecte énormément les femmes,” a-t-il expliqué plus tard, insistant sur le fait que ces rumeurs ne reflétaient pas les relations profondes de sa vie. En ne niant jamais fermement, il a laissé le fantasme “continuer de vivre”, tout en protégeant son jardin secret.

Les deux amours : Isabel et Miranda

Ce jardin secret a été marqué par deux femmes. La première, publique et scrutée, fut Maria Isabel Preysler. Il la rencontra en 1970, alors qu’elle était une jeune journaliste pour le magazine ¡Hola!. Le coup de foudre fut intense. Ils se marièrent sept mois plus tard, en janvier 1971, alors qu’Isabel était déjà enceinte de leur première enfant, Chábeli. Deux autres enfants suivront, Julio Jr. et le futur phénomène mondial, Enrique. Mais la gloire a un prix. Les tournées incessantes de Julio, ses absences constantes et les rumeurs d’infidélité ont eu raison de leur union. Le mariage s’est désintégré, et ils annoncèrent leur séparation en 1979.

Le deuxième amour, le plus stable, arriva de manière inattendue. En décembre 1990, à l’aéroport de Jakarta, Julio, 47 ans, croisa la route de Miranda Rijnsburger, une mannequin néerlandaise de 25 ans. Le charme opéra instantanément. Il l’invita à son concert le soir même, puis à le rejoindre pour le reste de sa tournée asiatique. Contre toute attente, cette romance éclair est devenue la relation de sa vie. Miranda est devenue sa “force stabilisatrice”, lui donnant cinq autres enfants.

Dans un geste symbolique, après deux décennies de vie commune, Julio et Miranda se sont mariés en août 2010, lors d’une cérémonie privée dans leur domaine de Marbella, “Las Cuatro Lunas”. “Ce n’est pas que nous avons attendu 20 ans,” expliqua Julio, “c’était simplement le bon moment.” Il la qualifie de “femme de ma vie”, celle qui l’a aidé à se tourner vers l’avenir.

Les ombres : procès en paternité et rumeurs sur sa santé

Mais la “vérité” que Julio promet de raconter sur Netflix devra aussi faire face aux chapitres les plus sombres. Depuis plus de 30 ans, un homme, Javier Santos, prétend être son fils. L’affaire a pris un tournant digne d’un film d’espionnage lorsque des détectives ont suivi le fils de Julio, Julio Jr., à Miami pendant 240 heures. Ils ont fini par récupérer une bouteille d’eau qu’il avait utilisée, et les tests ADN ont révélé une correspondance génétique de 99,9% avec Javier Santos. Malgré cela, Julio Iglesias a toujours utilisé des manœuvres juridiques pour retarder et contester cette paternité.

Plus récemment, ce sont des rumeurs sur sa santé qui ont fait la une. Fin 2023, des articles affirmaient que le chanteur était en fauteuil roulant, souffrant de la maladie d’Alzheimer, incapable de se souvenir des paroles de ses propres chansons. Iglesias est sorti de sa réserve habituelle pour démentir avec force sur les réseaux sociaux. “Comment peut-on être aussi malveillant ?” a-t-il écrit, frustré. Il a publié une photo récente, arborant une moustache en hommage à son père, et a livré cette réponse pleine d’esprit : “Je dirais que je suis dans le syndrome prémenstruel […] je n’ai jamais eu l’esprit aussi clair, écrivant mes mémoires.”

C’est donc cet homme, à l’esprit vif mais au corps vieillissant, qui s’apprête à livrer son testament. Sa série Netflix ne sera pas seulement une biographie ; ce sera sa version des faits. Sa vérité sur l’accident, sur les 3000 femmes, sur Isabel, sur Miranda, et peut-être, enfin, sur les secrets qu’il a si longtemps gardés. À 81 ans, le dernier “Latin lover” veut écrire le chapitre final de sa propre légende.