Voici tout ce que l’on sait sur la disparition de Maddie McCann

Près de deux décennies après la disparition de la petite Madeleine McCann, l’enquête connaît un nouvel élan. Fin mai 2023, les autorités portugaises, en collaboration avec la police allemande et britannique, ont relancé les recherches autour du barrage d’Arade, à environ 50 kilomètres de Praia da Luz, lieu de la disparition de la fillette britannique. Ce rebondissement s’ajoute à un dossier tentaculaire, marqué par des soupçons, des erreurs judiciaires et un suspect désormais au centre de l’attention : Christian Brückner.

Une soirée d’apparence ordinaire

Le 3 mai 2007, Gerry et Kate McCann, un couple de médecins britanniques, profitent de vacances en famille dans un complexe touristique à Praia da Luz, station balnéaire du sud du Portugal. Comme chaque soir depuis leur arrivée le 28 avril, ils dînent au restaurant “Tapas” situé à une centaine de mètres de leur appartement, pendant que leurs trois enfants — Madeleine, alors âgée de 3 ans, et ses deux jumeaux — dorment seuls dans la chambre.

Vers 21h05, Gerry McCann vérifie que tout va bien : les enfants dorment, mais la porte de la chambre semble avoir bougé. À 21h30, un autre ami du couple s’assure aussi que tout est calme. Pourtant, à 22h, lorsque Kate retourne à l’appartement, elle découvre la fenêtre ouverte, les volets relevés… et le lit vide de Maddie. L’enfant a disparu.

Des premières heures cruciales gâchées

La disparition est signalée immédiatement à la police portugaise. Le lendemain, les parents lancent un appel à témoins mondial. Mais les premières heures d’enquête sont chaotiques : scène de crime mal protégée, empreintes et indices probablement altérés. Très vite, les autorités locales suspectent les parents. Des traces de sang sont relevées dans l’appartement et dans leur voiture de location. Gerry et Kate McCann sont mis en examen, mais aucune preuve solide n’est trouvée. En 2008, ils sont finalement blanchis.

Des années plus tard, les autorités portugaises admettront officiellement que leur enquête initiale a été mal menée et présenteront des excuses publiques au couple.

Un mystère peuplé de fausses pistes

Au fil des années, des dizaines de suspects seront tour à tour identifiés puis innocentés. Un vacancier britannique aperçu en train de porter un enfant blond vers 21h15 le soir de la disparition — détail rapporté par un témoin — sera longtemps considéré comme suspect avant que la police ne confirme qu’il s’agissait simplement d’un père ramenant sa fille.

Même un bénévole britannique, présent sur place pour aider aux traductions entre la famille et la police, sera soupçonné brièvement avant d’être mis hors de cause. Pédophiles connus, cambrioleurs locaux, touristes au comportement étrange… la liste des pistes explorées s’étire à perte de vue. Toutes se heurtent à une impasse.

Christian Brückner : un nom qui revient sans cesse

Depuis 2020, l’attention se concentre sur un homme : Christian Brückner. Allemand, multirécidiviste, il vivait en Algarve depuis 1997 et se trouvait à Praia da Luz en mai 2007. À cette époque, un téléphone portable à son nom a “borné” près du complexe touristique des McCann. Deux ans plus tôt, il avait violé une Américaine de 72 ans dans la même ville.

Brückner a un passé judiciaire lourd : agressions sexuelles, détention d’images pédopornographiques, cambriolages. Il est actuellement incarcéré en Allemagne. Pour les enquêteurs allemands, sa culpabilité ne fait presque aucun doute : selon eux, Madeleine McCann est morte, et Brückner est responsable. En 2022, à la demande de la justice portugaise, il est mis en examen dans cette affaire.

Mais les preuves manquent. Aucun corps. Aucun aveu. Aucune preuve matérielle irréfutable. D’où les fouilles intensives récentes autour du barrage d’Arade, où l’homme se rendait fréquemment. Les enquêteurs espèrent y trouver enfin un indice décisif.

Une affaire hors norme

L’affaire Maddie dépasse de loin le cadre d’un simple fait divers. Elle incarne tout ce que la justice moderne peut rencontrer : dysfonctionnements transfrontaliers, emballement médiatique, détresse familiale, et obstacles techniques. Elle est aussi l’un des cas les plus documentés au monde : des dizaines d’heures de télévision, des milliers d’articles, des millions de personnes mobilisées.

Mais elle est surtout un exemple de combat parental inépuisable. Gerry et Kate McCann ont continué à chercher leur fille année après année, créant une fondation, menant campagne, collaborant avec les polices du monde entier. Leur espoir n’a jamais flanché.

Le poids des cold cases

Ce type d’affaire entre dans la catégorie des “cold cases” — ces enquêtes restées non résolues pendant des années, voire des décennies. En France, la création en 2022 d’un pôle national dédié aux cold cases, basé à Nanterre, a permis de relancer des dizaines de dossiers. Raphaël Nedilko, ancien enquêteur à Dijon, souligne combien la ténacité peut payer. Grâce à lui, les meurtres de Christelle Blétry et Christelle Maillery ont été élucidés après plus de 20 ans.

Mais selon lui, un seul pôle en France ne suffira pas. Il appelle à la création de cellules régionales spécialisées. Car les chiffres sont préoccupants : chaque année, entre 50 000 et 70 000 personnes sont signalées disparues en France. Parmi elles, environ 10 000 sont jugées particulièrement inquiétantes. En 2021, 43 870 mineurs ont été portés disparus, dont près de 1 000 cas jugés graves.

Vers un espoir ténu mais tenace

Madeleine McCann aurait 20 ans aujourd’hui. A-t-elle été enlevée ? Tuée ? Est-elle encore en vie, quelque part ? Chaque fois que les autorités annoncent de nouvelles recherches, les médias s’emballent, l’opinion retient son souffle, les parents espèrent.

Les fouilles autour du barrage d’Arade ne sont pas les premières. Elles ne seront sans doute pas les dernières. Mais elles témoignent d’une volonté intacte : celle de ne pas oublier Maddie, de ne pas refermer le dossier tant qu’une vérité — aussi douloureuse soit-elle — n’aura pas été trouvée.