Le 5 juillet 1981 reste inscrit dans la mémoire collective comme une date tragique, marquée par un drame qui a bouleversé la vie de Romy Schneider et ébranlé profondément le monde du cinéma européen. Ce jour-là, son fils unique, David Haubenstock, fruit de son union avec l’acteur et metteur en scène Harry Meyen, trouvait la mort dans des circonstances aussi brutales qu’injustes.

David, âgé de seulement quatorze ans, venait de rentrer d’une balade à vélo avec des amis dans la propriété des « Bien dits Gris », située à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines. Fidèle à son tempérament intrépide, il avait pour habitude d’escalader le portail plutôt que de sonner à l’entrée. Une audace juvénile, teintée d’insouciance, qu’il répétait sans cesse et qui amusait parfois son entourage. Mais ce qui n’avait jusque-là été qu’un jeu allait cette fois lui coûter la vie.

Dans son élan, le garçon glissa et son abdomen heurta violemment l’une des pointes acérées de la grille. L’accident fut d’une gravité inouïe : la pointe transperça son corps, perforant l’artère fémorale. Rapidement transporté à l’hôpital, David succomba à sa blessure malgré les efforts des médecins. L’hémorragie avait été trop sévère. Pour Romy Schneider, cette perte fut une déchirure irréparable, un coup de tonnerre qui anéantit ses dernières forces déjà fragilisées par une succession d’épreuves personnelles.

La douleur d’une mère est incommensurable face à la disparition d’un enfant. Mais, pour Romy, la tragédie prit une dimension encore plus cruelle lorsqu’elle fut confrontée à l’indécence d’un journaliste. Dans un geste que beaucoup jugèrent ignoble, celui-ci prit la décision insensée de photographier le corps de David à la morgue, recouvert d’un linceul. L’image, insoutenable pour une mère déjà brisée, circula dans certains cercles et blessa Romy d’une manière que les mots peinent à traduire. Cette violation de l’intimité la bouleversa profondément et l’amena, quelques semaines plus tard, à exprimer publiquement sa douleur.

Elle choisit pour cela le plateau de l’émission Champs-Élysées, animée par Michel Drucker, où elle prit la parole avec une dignité déchirante. Devant des millions de téléspectateurs, elle adressa un message à ce photographe qui avait osé commettre l’impensable. Les larmes dans la voix, elle exprima combien cet acte avait ravivé et amplifié son chagrin, comme une seconde mort infligée à son fils. Ses mots, empreints de colère mais surtout d’une immense souffrance, firent écho bien au-delà des frontières françaises.

À ce moment de sa vie, le destin semblait s’acharner sur elle. Déjà affaiblie par un accident qui lui avait valu une fracture du pied, elle avait subi peu de temps avant une lourde opération. Le décès de son fils, survenu après ces épreuves physiques, fut pour elle une blessure définitive. Romy, qui avait tant incarné au cinéma la grâce, la force et la beauté lumineuse, se retrouva anéantie dans l’intimité de son existence.

Sa carrière, pourtant jalonnée de succès et d’interprétations mémorables, n’était plus qu’une façade derrière laquelle se cachait une douleur sans fin. Ceux qui la côtoyaient à cette époque témoignent d’une femme brisée, oscillant entre la résilience et l’abandon, cherchant en vain à retrouver un souffle de vie. Sa santé mentale et physique déclina rapidement, et, moins d’un an après la mort de David, Romy Schneider s’éteignait à son tour, le 29 mai 1982, à seulement 43 ans.

La disparition de Romy, tout comme celle de son fils, frappa de stupeur ses admirateurs et l’ensemble du monde artistique. Elle laissait derrière elle une filmographie riche, marquée par des rôles d’une intensité rare, mais surtout l’image d’une femme profondément humaine, vulnérable, et marquée par le sort. L’histoire de Romy et de David reste aujourd’hui encore une blessure ouverte dans la mémoire collective, une tragédie qui illustre à quel point la vie des plus grands artistes peut être rattrapée, voire brisée, par la cruauté du destin.

Il est impossible d’évoquer Romy Schneider sans penser à ce drame fondateur, qui semble avoir précipité sa propre disparition. La mort de David fut l’ultime épreuve, celle qu’aucune mère ne peut supporter, celle qui fit s’écrouler les dernières défenses de cette actrice adulée. Le courage qu’elle montra en dénonçant publiquement l’atteinte à sa dignité maternelle est resté gravé comme un témoignage de vérité, rappelant que derrière l’icône se tenait une femme au cœur blessé.

Aujourd’hui encore, plus de quarante ans après les faits, cette tragédie continue de susciter l’émotion et la compassion. Le souvenir de David et de Romy est indissociable, tant leurs destins ont été liés par ce drame. Leur histoire rappelle avec force que la célébrité, aussi éclatante soit-elle, n’immunise pas contre les coups du sort. Au contraire, elle peut parfois amplifier la douleur, en l’exposant aux regards du monde entier.

Le 5 juillet 1981 reste ainsi, dans les mémoires, non seulement comme le jour de la perte d’un adolescent de quatorze ans plein de vie et d’avenir, mais aussi comme l’amorce du crépuscule d’une actrice inoubliable. Une date funeste, gravée à jamais dans l’histoire du cinéma et dans celle des cœurs.