Lorsque la nouvelle de la disparition de Robert Redford est tombée, le monde entier s’est figé. Icône absolue du cinéma américain, visage d’un Hollywood romantique et engagé, il avait su traverser les décennies sans perdre son aura. Mais derrière la légende, il y avait un homme, un mari, un compagnon de route. Pour Sibylle Szaggars, épouse et confidente de l’acteur depuis plus de seize ans, la douleur est immense. Dans un témoignage bouleversant, elle raconte les derniers instants, mais aussi ce rituel discret qui avait cimenté leur couple : chaque année, le jour de leur mariage, ils renouvelaient leurs vœux d’amour, comme pour se promettre à nouveau que rien ne viendrait briser leur lien.

« Je ne pensais pas que ce serait la dernière fois », confie-t-elle d’une voix étranglée. Quelques semaines avant la mort de Robert, affaibli mais encore lucide, ils s’étaient retrouvés dans leur maison de Sundance, face aux montagnes qui avaient tant compté pour lui. Comme à chaque anniversaire, ils avaient ressorti les carnets dans lesquels ils inscrivaient une phrase, une seule, censée résumer leur engagement de l’année. Elle avait écrit : “Je marche encore derrière toi, même si tes pas ralentissent”. Lui avait griffonné, d’une écriture tremblante : “Chaque jour passé avec toi est un cadeau que je n’aurais jamais osé demander”.

Ce rituel, peu connu du grand public, était pour eux une manière de rester ancrés dans l’essentiel. « Robert avait peur que la célébrité nous vole notre intimité. Alors il avait inventé ce moment, rien qu’à nous, une fois par an, loin des regards. Il disait toujours que l’amour n’était pas un acquis, mais une promesse qu’on renouvelle. »

La promesse, Sibylle y croyait. En 2009, lorsqu’ils s’étaient mariés à Hambourg, en Allemagne, beaucoup s’étaient étonnés de voir l’acteur, déjà âgé, se lancer dans une nouvelle union. Mais Redford avait alors confié à ses proches : « À mon âge, on ne se marie plus par convenance. On se marie parce que l’on a trouvé la paix. » Leur couple était resté discret, loin des scandales et des projecteurs, vivant entre le Nouveau-Mexique, la Californie et l’Utah, entourés d’art, de musique et de nature.

La veille de sa mort, raconte Sibylle, Robert Redford avait demandé à revoir leurs carnets de vœux. Trop fatigué pour écrire, il avait murmuré à son épouse : “Relis-moi la première phrase que tu m’as écrite.” C’était en 2009, quelques heures après leur mariage. Elle avait alors noté : “Je serai ton silence quand le bruit du monde sera trop lourd”. À ces mots, le vieil acteur avait fermé les yeux et laissé couler une larme. « Je crois que c’est à cet instant qu’il a su que c’était la fin. Moi, je refusais d’y croire. Je me disais que demain, il se lèverait encore, qu’on pourrait rire, discuter, rêver. »

Mais le lendemain matin, dans ce silence presque irréel, elle avait compris qu’il était parti. « Il avait le visage apaisé, comme s’il dormait. Il serrait toujours ma main. Je me suis dit qu’il m’avait attendue, qu’il avait tenu sa promesse jusqu’au bout. »

Depuis, Sibylle tente de vivre avec ce vide immense. Elle continue de se plonger dans la peinture, son premier amour, mais confie que chaque toile semble incomplète sans le regard de Robert. « Il avait toujours un mot, un commentaire, un sourire. Même quand il ne comprenait pas ce que je voulais exprimer, il cherchait à voir le beau, à deviner la vérité cachée. »

Le monde du cinéma, de ses partenaires de jeu à ses admirateurs anonymes, a rendu hommage à l’acteur, mais la parole de sa veuve résonne avec une intensité particulière. Car elle rappelle que derrière les films et les récompenses, Robert Redford fut avant tout un homme qui aimait et qui voulait être aimé. « On me demande si je me sens chanceuse d’avoir partagé seize années avec lui. Je réponds que ce n’est pas de la chance, c’est un miracle. »

Dans les jours qui ont suivi les obsèques, Sibylle Szaggars est retournée à Sundance. Dans le jardin, à l’ombre des pins, elle a retrouvé les carnets de vœux. Elle les garde précieusement, comme un trésor. Elle confie qu’elle a ouvert une page blanche et qu’elle y a écrit, seule, cette fois : “Je continue de marcher, et je sens encore ta main dans la mienne.”

Et de conclure, le regard embué mais ferme : « Robert me répétait souvent que l’amour ne meurt pas, qu’il se transforme. Alors je choisis d’y croire. Nos vœux ne se sont pas arrêtés avec lui. Je les porterai, année après année, jusqu’à ce que nous soyons de nouveau ensemble. »