L’ombre au tableau : La fille de Robert Conrad lève le voile sur la douloureuse vérité derrière la légende

Robert Conrad. Ce nom évoque instantanément l’image de l’agent secret James West, chevauchant à travers le Far West dans “Les Mystères de l’Ouest”, ou encore le courageux Gregory “Pappy” Boyington dans “L’escadrille des moutons noirs”. Pour des millions de téléspectateurs, il était l’incarnation du héros robuste, du dur à cuire qui réalisait ses propres cascades, un symbole de virilité et de détermination. Pourtant, derrière cette façade de star inébranlable se cachait une réalité bien plus nuancée, faite de triomphes professionnels éclatants mais aussi de tourments personnels profonds. Aujourd’hui, grâce aux révélations de sa propre fille et à un examen attentif de son parcours, l’image complexe de Robert Conrad se dessine enfin, éclairant des zones d’ombre longtemps tues. Ce que sa fille a finalement confirmé n’est pas seulement un aperçu de l’homme, mais une confirmation déchirante de ce que beaucoup pressentaient : les démons intérieurs de l’acteur ont fini par avoir des conséquences tragiques, bouleversant non seulement sa vie, mais aussi celle d’une autre famille innocente.

Né Conrad Robert Norton Falk à Chicago le 1er mars 1935, Robert Conrad a eu une jeunesse marquée par des débuts modestes et une détermination précoce. Fils d’une mère adolescente, Alice Jacqueline Hartman (plus tard connue sous le nom de Jackie Smith, une figure influente de la publicité chez Mercury Records), et d’un père de 17 ans, Leonard Henry Falk, Conrad a dû quitter l’école à 15 ans pour travailler. Chargement de camions, livraison de lait – il a enchaîné les petits boulots tout en nourrissant un rêve d’acteur. Ses premiers pas dans l’industrie furent atypiques : poser devant un cinéma pour promouvoir “Géant” de 1956, sa ressemblance frappante avec James Dean étant un atout de publicité. Ces débuts pragmatiques, couplés à des leçons de chant avec Dick Marx, le père de Richard Marx, témoignent de son acharnement à percer.

Sa rencontre fortuite avec l’acteur Nick Adams fut un catalyseur. Adams, impressionné par le potentiel de Conrad, l’aida à obtenir sa carte de la Screen Actors Guild, un agent, et finalement, quelques petits rôles. Le tournant majeur survint avec Warner Brothers, un studio qu’il avait toujours idolâtré. Malgré une petite taille (1m70), il décrocha le rôle principal de Tom Lopaka dans “Intrigue à Hawaï”, marquant le début de sa carrière de superstar télévisuelle. Ce rôle, bien que prestigieux, ne résolvait pas immédiatement ses difficultés financières, son salaire étant alors modeste. Mais il lança sa carrière et forgea sa réputation d’acteur à l’écran.

Après “Intrigue à Hawaï”, Conrad enchaîna les succès, dont le plus emblématique reste sans doute celui de l’agent James West dans “The Wild Wild West” (1965-1969). Sa capacité à réaliser ses propres cascades devint sa marque de fabrique, lui valant même une intronisation au Stuntman’s Hall of Fame. Cette réputation de “casse-cou” était à double tranchant. Si elle renforçait son image de héros intrépide, elle le mettait aussi constamment en danger. Un accident sur le plateau des “Mystères de l’Ouest” lui causa une fracture du crâne et une commotion cérébrale, un incident qu’il relata plus tard avec un “J’ai failli y passer, mais je ne l’ai pas fait.”

Sa carrière fut également jalonnée par d’autres rôles marquants comme Gregory “Pappy” Boyington dans “L’escadrille des moutons noirs” (1976-1978), une série qu’il a littéralement sauvée de l’annulation grâce à sa pugnacité, et le rôle de Pasquinel dans la minisérie acclamée “Centennial” (1978-1979). Ce dernier fut un rôle qu’il considérait comme l’une de ses meilleures performances, et l’écrivain James Michener lui-même aurait reconnu qu’il avait incarné le personnage mieux qu’il ne l’avait écrit.

Cependant, c’est l’année 2003 qui allait marquer un tournant sombre et irréversible dans la vie de Robert Conrad. Le 31 mars, à l’âge de 73 ans, Conrad fut impliqué dans un grave accident de voiture. Sa Jaguar de 1995 traversa la ligne médiane de l’autoroute 4 et entra en collision frontale avec la Subaru de 1990 de Kevin Allan Burnett. Le taux d’alcoolémie de Conrad, près de trois fois la limite légale en Californie, ne laissait aucune place au doute. Accusé de conduite en état d’ivresse, il plaida coupable et fut condamné à six mois d’assignation à résidence et cinq ans de probation.

Les conséquences de cet accident furent dévastatrices pour toutes les parties impliquées. Robert Conrad subit de graves blessures nécessitant de multiples chirurgies et une longue thérapie physique. Son avocat, Jeffrey Tuttle, révéla que l’acteur était partiellement paralysé et avait subi une blessure à la tête. Sa femme, LaVelda, témoigna des séquelles : moelle épinière blessée, usage limité de son bras gauche, confinement à un fauteuil roulant et une profonde dépression. Plus troublant encore, l’accident provoqua des pertes de mémoire et des changements cognitifs, expliquant pourquoi il prit beaucoup moins de rôles par la suite.

Mais Conrad n’était pas la seule victime. Kevin Allan Burnett, l’autre conducteur, fut lui aussi gravement blessé : poignet cassé, fracture de la jambe droite, fémur, tibia et péroné éclatés. Bien qu’il ait finalement pu remarcher, il ne s’est jamais complètement rétabli, souffrant de douleurs chroniques. La famille Burnett intenta une action civile contre Conrad et sa société de production. L’affaire fut réglée à l’amiable, mais les détails ne furent jamais divulgués. Tragiquement, Kevin Allan Burnett décéda le 27 juillet, des suites d’ulcères gastriques perforés. Son père, Kevin Burnett Senior, était convaincu que le stress des batailles juridiques et la douleur constante avaient indirectement causé la mort de son fils. La famille Burnett, bien que n’ayant plus le désir de poursuivre de nouvelles actions en justice, espère sensibiliser aux dangers de la conduite en état d’ivresse.

Retiré de l’industrie cinématographique après cet accident, Robert Conrad a tout de même animé pendant cinq ans “The PM show with Robert Conrad” à la radio. Il a pu voir “Les Mystères de l’Ouest” trouver un nouveau public en syndication, une source de fierté pour l’acteur, malgré son dédain notoire pour le remake cinématographique de 1999 avec Will Smith, qu’il qualifiait d’”horrible et pathétique”.

Sa vie personnelle fut également complexe. Marié à Joan Kenley pendant 25 ans, ils eurent cinq enfants avant un divorce à l’amiable en 1977. La même année, il épousa LaVelda Fann, avec qui il eut trois autres enfants avant de divorcer en 2010. Malgré ces deux mariages, les deux familles de Conrad auraient entretenu de bonnes relations. Il était un père strict aux valeurs traditionnelles, insistant sur l’égalité des sexes et l’importance du travail et de la moralité. Ses enfants, dont Shane, Christian, Nancy et JoAnn, ont suivi diverses voies, certains le rejoignant dans l’industrie du divertissement. Shane et Christian ont même joué à ses côtés dans des séries comme “High Mountain Rangers”, une émission que Conrad a activement défendue auprès de CBS pour qu’elle mette en scène sa propre famille.

Philanthrope reconnu, Robert Conrad a soutenu de nombreuses organisations, notamment le United States Marine Corps, les Paralyzed Veterans of America et le Wounded Warriors Project. Il est décédé d’une insuffisance cardiaque le 8 février 2020, à l’âge de 84 ans, laissant derrière lui un héritage complexe : celui d’une star charismatique et talentueuse, mais aussi d’un homme confronté à ses propres faiblesses, dont l’histoire nous rappelle que derrière les lumières d’Hollywood se cachent souvent des vies ordinaires, avec leurs lot de joies et de tragédies.