La diva aux millions de disques vit désormais simplement à Avignon: l’incroyable quotidien de Mireille Mathieu

Mireille Mathieu, cette voix légendaire qui a envoûté le public bien au-delà des frontières françaises, a aujourd’hui 77 ans. Après des décennies passées sous les projecteurs, elle savoure désormais une existence paisible à Avignon, dans une petite maison chargée de souvenirs, celle où vécut autrefois sa mère. Là, loin de l’agitation des grandes scènes, la chanteuse a trouvé un havre intime où se mêlent tendresse familiale et routines rassurantes.

Née dans une famille de quatorze enfants, Mireille est l’aînée d’une fratrie où le sens des

responsabilités s’apprenait très tôt. Dès l’enfance, sa passion pour la musique, héritée d’un père amateur d’opéra, la distingue. À partir de 1962, elle trace sa route, impose son timbre singulier et devient, au fil des années 60 et 70, l’un des visages les plus populaires de la chanson française. Mais derrière cette gloire internationale, la vie privée de l’artiste reste marquée par une simplicité presque désarmante.

Aujourd’hui encore, elle ne se sépare jamais de sa sœur Monique. Complice de toujours, celle-ci est à la fois son manager, son appui de chaque instant et la gardienne de son image. Adolescente, Mireille avait déjà partagé avec elle les longues heures de travail dans une usine de fabrication d’enveloppes. Depuis, leur lien n’a fait que se renforcer. Monique, que Mireille surnomme affectueusement “Matite”, veille sur elle jusque dans les moindres détails, notamment sur cette coupe au bol devenue une véritable signature. Ce style capillaire, aussi singulier que reconnaissable, a traversé les décennies et a même été repris par des célébrités comme Sophie Marceau.

Cette présence fraternelle est d’autant plus précieuse que Mireille reste une femme sujette aux angoisses. Avec l’âge, celles-ci se sont accentuées. La disparition de sa mère, Marcelle-Sophie Poirier, en 2006, a laissé un vide immense. Lorsque l’inquiétude l’empêche de dormir, elle a recours à un rituel qui peut sembler étrange : parler à sa mère disparue, comme on adresserait une prière à la Vierge. Ces confidences murmurées dans la nuit lui apportent une forme de sérénité, un fil invisible qui continue de l’unir à celle qui fut son premier soutien.

Pourtant, malgré ses fragilités, Mireille conserve intacte sa passion pour la scène. Chaque apparition publique rappelle combien elle est liée à son art. Invitée dans Vivement dimanche, l’émission de Michel Drucker, elle n’a pu retenir ses larmes devant les images d’archives que son ami lui montrait. Ces instants suspendus disent beaucoup : derrière l’icône demeure une femme émotive, toujours bouleversée par le poids des souvenirs.

Son quotidien, quant à lui, obéit à une organisation presque immuable.

Elle se lève à huit heures, commence par un verre d’eau fraîche puis prend le petit-déjeuner en compagnie de Monique. Elle veille à sa santé, contrôle son taux de cholestérol et affectionne le pain grillé recouvert de miel d’amorpha. Ensuite, les deux sœurs s’attellent aux tâches ménagères, transformant ces gestes simples en un moment de complicité. Ces habitudes, loin d’être anodines, prolongent les joies d’une enfance partagée dans une maison pleine de rires et de voix.

Il arrive aussi qu’une autre sœur, Béatrice, rejoigne la maisonnée pour quelques semaines. Ces retrouvailles renforcent l’atmosphère familiale, faite de petits déjeuners collectifs, de rires échangés autour d’un seau d’eau savonneuse, de désinfection minutieuse à l’eau de javel, au bicarbonate ou au vinaigre blanc. À travers ces gestes de la vie quotidienne, ce sont des souvenirs de jeunesse qui resurgissent, rappelant à toutes la gaieté d’antan. Pour Mireille, ces instants valent autant qu’une ovation.

Une fois la maison briquée, la chanteuse s’accorde une séance de gymnastique légère, puis consacre du temps à ce qu’elle chérit le plus : la musique. Elle fait des vocalises, revisite ses propres succès ou se laisse porter par des répertoires qui lui sont chers, d’Abba à Queen, en passant par Christophe Maé. Loin d’être un simple entraînement, ces moments sont comme une prière quotidienne adressée à l’art qui l’a façonnée.

Les après-midis se déroulent souvent dans la douceur d’un canapé, devant la télévision. Les émissions populaires comme Les 12 coups de midi ou Des chiffres et des lettres ponctuent ses journées. Mireille s’y attache comme à un rendez-vous familier, preuve que, derrière la star internationale, vit une femme simple, proche de ses contemporains.

L’émotivité qu’elle revendique s’est révélée encore plus nettement durant la période du confinement. Habituée à se rendre à l’église d’Avignon pour y prier chaque jour pour sa famille, elle a souffert de cette privation. L’isolement lui a semblé presque insurmontable. Mais elle a trouvé, comme beaucoup, la force de s’adapter. Aujourd’hui, elle parle de ces mois difficiles avec un soupir de soulagement, consciente d’avoir traversé une épreuve qu’elle n’aurait jamais imaginée.

En observant sa vie actuelle, on perçoit un contraste saisissant. D’un côté, les souvenirs d’une carrière étincelante, qui l’ont menée de Paris à Las Vegas, de Moscou à Tokyo, devant des salles comble et des publics conquis. De l’autre, la réalité d’une existence rythmée par les repas simples, les rituels domestiques et les élans de tendresse fraternelle. Ce contraste, loin d’affaiblir son aura, l’humanise et la rend plus proche de ceux qui l’ont aimée et l’aiment encore.

À l’approche de ses 80 ans, Mireille Mathieu continue d’accorder à la musique et à sa famille une place centrale. Dans cette petite maison d’Avignon, chaque matin avec son verre d’eau fraîche et son pain grillé au miel, chaque après-midi de gymnastique et de chansons, chaque prière murmurée le soir venu à la mémoire de sa mère, composent une partition intime. Ce quotidien, si ordinaire en apparence, est en réalité l’écho discret d’une vie extraordinaire.

Et si le monde entier se souvient de “La demoiselle d’Avignon” comme d’une star, elle préfère, elle, se définir simplement comme une fille, une sœur, une croyante, et surtout comme une femme pour qui l’amour de la musique et l’amour des siens restent les plus beaux trésors. Dans le silence feutré de son foyer, son existence ressemble à une ballade douce, sans éclats mais d’une intensité qui ne faiblit pas. Comme ses chansons, elle traverse le temps, immuable et sincère, pour continuer de toucher le cœur de ceux qui écoutent.