Jacques Dutronc brise le silence sur sa liaison fracassante avec Romy Schneider, marquée par le malheur: « Je suis tombé amoureux mais je ne la respectais pas, je ne pouvais pas la supporter… »

Bonzhoor – La vie éclatante mais tourmentée de Romy Schneider s’est brutalement interrompue le 29 mai 1982. Cette disparition soudaine l’a élevée au rang de légende, une icône éternelle du cinéma européen : beauté envoûtante, talent éclatant, mais aussi blessures intimes jamais refermées. Le public connaît bien ses histoires d’amour avec Alain Delon – une passion marquée par le destin – ou avec Daniel Biasini, son second mari. Mais il existe une autre relation, fulgurante et brûlante, moins racontée et pourtant bouleversante : celle qu’elle vécut avec Jacques Dutronc, lors du tournage de L’important, c’est d’aimer en 1976, un drame d’Andrzej Zulawski autour d’un triangle amoureux déchirant.

L’important, c’est d’aimer est considéré comme un classique du cinéma français des années 70, porté par l’interprétation magistrale de Romy Schneider et sa façon de mettre en lumière la tragédie de l’amour. Jacques Dutronc, bien que plus discret face à sa partenaire, marque par un rôle riche en nuances. Ce drame intense fascine les amateurs de tragédies psychologiques, mais peut sembler lourd à ceux qui préfèrent un cinéma plus léger

Depuis sa maison de Monticello, en Corse, Jacques Dutronc – chanteur adulé, acteur au regard malicieux – a accepté de lever le voile sur ce secret intime. Ses confidences sonnent comme un aveu tardif, à la fois tendre et douloureux. « Romy était absolument sincère, dit-il. Le film ne s’arrêtait pas une fois les caméras éteintes. Elle aimait véritablement l’homme que son personnage devait aimer. Elle vivait son rôle au-delà de l’écran, donnait tout sans rien attendre.

Je n’avais jamais rencontré une femme pareille. Elle n’avait rien à voir avec ces actrices artificielles, formatées. Romy était vraie, vivante, mais d’un malheur immense. Elle avait besoin d’être aimée. Moi, je me suis mal conduit. Je me suis laissé emporter par cette histoire. L’attirance existait, oui, mais je ne l’ai pas respectée. Elle était si forte qu’il fallait être solide pour lui faire face. »

À cette époque, Jacques Dutronc partageait sa vie avec Françoise Hardy – la muse mélancolique de la chanson française, mère de leur fils Thomas. Cette aventure avec Romy n’a fait qu’ajouter une douleur de plus à la comédienne, tout en fissurant son couple avec Hardy. « Je n’ai pas été honnête, confesse-t-il. Parce que Françoise, c’est Françoise. Je n’allais pas la quitter pour Romy. Mais en tournant ce film, j’ai blessé deux femmes à la fois : l’une déjà meurtrie, et l’autre que j’aurais dû protéger. »

Françoise Hardy, de son côté, reviendra sur ce souvenir dans son autobiographie Le Désespoir des singes et autres bagatelles. Elle raconte un dîner, au début du tournage, en présence de Jacques et de l’équipe. Les producteurs l’avaient prévenu : Romy avait pour habitude de « tomber amoureuse » pendant un film, parfois de son réalisateur, parfois de son partenaire. Zulawski venait de se marier, Fabio Testi n’était pas son type… alors, « le sacrifié » serait Jacques. « J’étais bouleversée », écrit Hardy, comme si l’inévitable s’était déjà annoncé.

Fabio Testi, Christopher Frank, Andrzej Żuławski, Romy Schneider, and Jacques Dutronc on the set of • L’important c’est d’Aimer

Selon Dutronc, le grand amour de Romy restait Jean-Louis Trintignant, avec qui elle avait joué dans Le Combat dans l’île et Le Train. Il aurait pu être « celui avec qui faire corps », comme elle l’avait confié à Stern. Mais le destin en décida autrement. Sur le plateau de L’important, c’est d’aimer, c’est dans les bras de Dutronc qu’elle chercha refuge. Dans les loges, ils vidaient des bouteilles de vin rouge, l’un entraînant l’autre dans une ivresse complice : « J’étais encore plus saoul qu’elle », se souvient-il. « Nous formions un duo de pochtrons dans Paris. »

Le réalisateur Andrzej Zulawski, témoin discret de cette passion, raconta plus tard qu’il s’agissait d’« une folle passion » de Romy, interrompue brutalement lorsque Dutronc y mit fin le dernier jour du tournage. Une séparation d’une brutalité telle qu’elle laissa la comédienne dévastée, au moment même où elle remportait le César 1976 pour ce rôle. Zulawski, cité par Françoise Hardy, affirma que cette rupture avait contribué à accélérer la « déchéance physique » de Romy, un constat amer partagé par beaucoup de proches.

Quelques années plus tard, au réfectoire des studios de Boulogne-Billancourt, Dutronc aperçut Romy de loin. Elle semblait fragile, mais son aura demeurait intacte. Il n’osa pas s’approcher. « J’ai pris un coup de vieux en la voyant », murmura-t-il. « J’ai été lâche. Je n’ai pas eu le courage d’aller vers elle. »

Cette liaison éphémère, courte mais incandescente, a laissé dans leur vie à tous deux des cicatrices indélébiles. Romy Schneider est partie, mais pour Jacques Dutronc, ce souvenir reste un poids et un regret. Et pour le public, il s’agit d’un chapitre à la fois sombre et magnifique de l’histoire du cinéma français des années 1970. Mais cette aventure, aussi fulgurante soit-elle, n’a jamais réussi à le détacher du fil invisible qui le liait à Françoise Hardy. Avec Hardy, il ne s’agissait pas d’une parenthèse, mais d’un destin. Ils se rencontrent dans les années soixante, alors que Françoise est déjà une star et que Dutronc commence à percer. Ensemble, ils deviennent l’incarnation d’une modernité insouciante et élégante. De leur union naît un fils, Thomas, en 1973. Ils se marient en 1981, officiellement pour des raisons fiscales, mais ce mariage consacre surtout deux décennies de vie partagée.

Cette vie commune n’a jamais été un long fleuve tranquille. Dans son autobiographie Le désespoir des singes et autres bagatelles (2008), Hardy avoue que son amour avec Dutronc fut aussi passionné que douloureux : « Mes textes ont tenté de sublimer une relation vite devenue une souffrance, à cause de mon tempérament anxieux, trop en demande, et de son besoin de liberté, de s’amuser ailleurs. » Dutronc, de son côté, ne cache rien : « Je n’ai jamais été fidèle, et elle le savait. Mais à ma manière, je suis resté fidèle à elle. »

C’est le paradoxe de toute une vie : s’égarer dans des aventures passagères, comme avec Romy Schneider, mais ne jamais rompre avec Hardy. Les années passent et la preuve se répète. Dans une interview accordée à Michel Denisot sur Europe 1 en 2023, depuis Monticello en Corse où il vit retiré, Dutronc admet sans détour : « Françoise est presque l’icône de ma vie, même avant la chanson… et ça continue. »

Même séparés depuis la fin des années 1990, et bien qu’il partage désormais sa vie avec Sylvie Duval, Dutronc et Hardy n’ont jamais rompu leur lien quotidien. « Nous nous écrivons chaque jour, confiait-elle à Paris Match en mars 2023. Après plus de cinquante ans, nous nous envoyons encore des signes de tendresse, d’attachement, d’inquiétude pour nos santés respectives. » Derrière ses plaisanteries mordantes, Dutronc laisse transparaître cette complicité intacte. Il aimait rappeler, amusé, qu’il se plaçait toujours sur le trottoir pour paraître plus grand qu’elle, la laissant marcher dans le caniveau. Mais sous la blague, on devine une tendresse sans faille.

Lorsque Hardy a dû affronter un cancer du système lymphatique, cette relation s’est encore affirmée. Affaiblie, elle a défendu publiquement le droit à l’assistance au suicide, déclarant à Paris Match : « Je n’ai pas peur de mourir, mais très peur de souffrir. » Et ce qui l’attriste le plus, c’est de devoir quitter les deux êtres qui comptent davantage que tout : son fils Thomas et Jacques Dutronc. Ce dernier, de son côté, respecte ce choix difficile mais ne cache pas sa peine. Hardy raconte qu’en 2015, alors qu’elle était entre la vie et la mort, Dutronc aurait confié à sa compagne du moment qu’elle restait « la femme de sa vie ». Une révélation qui l’a profondément bouleversée.

Le temps, la distance, même les liaisons éphémères comme celle avec Romy Schneider, n’ont jamais effacé l’amour de Dutronc pour Hardy. Elle résume cette vérité en une phrase simple et lumineuse : « Il est l’homme de ma vie et nous avons vécu ensemble nos plus belles années. » Lui, avec son sens de la formule brève, se contente de répéter : « Françoise, c’est Françoise. »

Ainsi, malgré les ombres, malgré les écarts, une certitude demeure : Jacques Dutronc n’a jamais quitté Françoise Hardy, et personne n’a jamais pu la remplacer dans son cœur.