Ce mardi 23 septembre restera une date marquante dans l’histoire du cinéma européen et mondial. L’actrice franco-italienne Claudia Cardinale s’est éteinte à l’âge de 87 ans, entourée de ses enfants, dans sa maison de Nemours, près de Paris, où elle résidait depuis plusieurs années. La nouvelle de sa disparition a bouleversé ses admirateurs, ses collègues et tous les passionnés de cinéma, tant elle avait su, durant plus de six décennies, incarner un idéal de grâce, de force et de modernité. Monument du septième art, figure incontournable des années 60, Claudia Cardinale laisse derrière elle une filmographie impressionnante de plus de cent cinquante films, marqués par son charisme et sa beauté solaire.

Née en 1938 à La Goulette, près de Tunis, dans ce qui était alors le protectorat français de Tunisie, Claudia Cardinale grandit dans un environnement multiculturel qui marquera profondément son identité. Son père, Francesco Cardinale, était un ingénieur italien, tandis que sa mère, Yolande Greco, avait des origines françaises. Ce métissage culturel se reflète dans les langues qu’elle parlait dès son plus jeune âge : le français, l’arabe et le sicilien. Ce mélange lui conférait une richesse et une singularité qui allaient par la suite nourrir son jeu d’actrice et sa personnalité publique. Elle n’était pas seulement italienne ou française : elle incarnait un pont entre les cultures méditerranéennes, une artiste profondément européenne avant l’heure.

La trajectoire de Claudia Cardinale vers le cinéma commence presque par hasard. En 1957, elle est élue « la plus belle Italienne de Tunis » lors d’un concours de beauté. Ce titre attire l’attention des professionnels du cinéma italien, et notamment du réalisateur Luchino Visconti. Celui-ci, fasciné par sa présence, lui offre ses premiers grands rôles. En 1960, elle tourne dans Rocco et ses frères, un chef-d’œuvre du cinéma néoréaliste, aux côtés d’Alain Delon et de Renato Salvatori. Ce film marque le début d’une collaboration fructueuse avec Visconti, qui la choisit également pour incarner Angélica dans Le Guépard (1963), aux côtés de Burt Lancaster et d’Alain Delon. Ce rôle reste l’un des sommets de sa carrière, tant sa beauté et son énergie illuminaient l’écran.

Le succès de Claudia Cardinale ne se limite pas au cinéma italien. Très vite, son talent traverse les frontières. Elle s’impose à Hollywood, en France et même en Allemagne. À Paris, elle collabore avec les plus grands cinéastes, dont Henri Verneuil, Jacques Deray ou encore Philippe de Broca. Aux États-Unis, elle se distingue dans des productions de prestige comme The Pink Panther (1963) de Blake Edwards. En 1968, elle incarne Jill dans Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, un rôle qui reste gravé dans la mémoire collective et qui consacre définitivement son statut d’icône internationale. Sa carrière témoigne de sa capacité à s’adapter à des styles cinématographiques très différents, de la comédie légère au drame historique, en passant par le western ou le film politique.

Claudia Cardinale ne se contentait pas d’être un « sex-symbol » ou une beauté décorative. Elle s’est toujours imposée comme une actrice de caractère, capable de jouer des femmes fortes, complexes et souvent en avance sur leur temps. Son charisme naturel, allié à une voix grave et à un regard profond, donnait à ses personnages une densité unique. De plus, elle a souvent refusé de se plier aux clichés imposés par le star-system, préférant des rôles qui lui permettaient de rester fidèle à ses convictions. En cela, elle a inspiré toute une génération d’actrices qui, après elle, ont revendiqué leur droit à incarner autre chose que des archétypes figés.

Au fil des décennies, Claudia Cardinale a continué à travailler avec passion. Elle n’a jamais cessé de tourner, en Italie comme à l’étranger, accumulant les distinctions et les hommages. Elle a été récompensée dans de nombreux festivals, notamment à Berlin, Venise et Cannes, où elle a plusieurs fois foulé le tapis rouge en tant qu’invitée d’honneur. En 2000, elle a été faite ambassadrice de bonne volonté pour l’UNESCO, un rôle qu’elle a pris à cœur, consacrant une partie de son énergie à la défense des droits des femmes et à la promotion des cultures méditerranéennes. Elle se voulait non seulement actrice, mais aussi citoyenne engagée.

Sa vie personnelle, bien que plus discrète, a elle aussi marqué sa trajectoire. Mère de deux enfants, Patrick et Claudia, elle a su concilier, autant que possible, sa carrière exigeante et son rôle de mère. Sa relation durable avec le réalisateur Pasquale Squitieri, décédé en 2017, a également contribué à ancrer son parcours dans une histoire sentimentale sincère, loin des excès et des scandales souvent associés aux stars de sa génération.

La disparition de Claudia Cardinale laisse un vide immense. Elle symbolisait une époque d’or du cinéma, mais aussi une certaine idée de la liberté féminine. En incarnant des femmes audacieuses, passionnées et indépendantes, elle a contribué à modifier le regard porté sur les actrices et sur les femmes en général. Elle restera dans l’histoire comme l’une des dernières grandes divas du cinéma européen, comparable à Sophia Loren ou Gina Lollobrigida, mais avec une singularité qui la distinguait de toutes les autres.

En ce 23 septembre, alors que les hommages affluent de partout, c’est une carrière exceptionnelle qui se clôt, mais surtout une lumière qui continue de briller à travers ses films. Les spectateurs pourront toujours retrouver son éclat dans Le Guépard, dans Il était une fois dans l’Ouest, dans Huit et demi de Federico Fellini ou dans tant d’autres chefs-d’œuvre qui jalonnent sa filmographie. Claudia Cardinale a illuminé le cinéma de son aura unique, et son souvenir continuera d’inspirer les générations futures.