Robert Redford : Les Drames Secrets d’une Légende, la Douleur d’un Père qui a Survécu à ses Enfants

De son vivant, Robert Redford avait perdu deux de ses quatre enfants : l'un  deux n'avait que 5 mois

Le monde se souviendra de Robert Redford comme de l’icône hollywoodienne par excellence : le “golden boy” au sourire ravageur, l’acteur charismatique de “Gatsby le Magnifique” et “Out of Africa”, le réalisateur engagé et le père du cinéma indépendant avec Sundance. Pourtant, derrière cette façade de succès et de perfection quasi irréelle, se cachait une série de tragédies personnelles d’une violence inouïe, des blessures secrètes qui ont façonné l’homme dans le silence et la dignité. Car avant d’être une légende du cinéma, Robert Redford était un père, et il a dû endurer la pire épreuve qui soit pour un parent : survivre non pas à un, mais à deux de ses quatre enfants.

La première tragédie frappe tôt, en 1959. Redford n’est pas encore la superstar mondiale qu’il deviendra. C’est un jeune acteur de 23 ans, ambitieux mais encore inconnu, qui tente de percer à New York. Marié depuis peu à Lola Van Wagenen, il vient d’accueillir son premier enfant, un fils nommé Scott. Le bonheur est palpable, l’avenir semble radieux. Mais le destin va basculer dans l’horreur. À seulement cinq mois, le bébé meurt subitement dans son berceau. Le diagnostic tombe, brutal et incompréhensible : la mort subite du nourrisson.

Pour le jeune couple, le choc est total, la douleur, insurmontable. À une époque où ce syndrome était encore mal compris et souvent tabou, ils se retrouvent seuls face à leur chagrin. Cet événement dévastateur va marquer au fer rouge la psyché de Robert Redford. Lui qui deviendra le symbole du rêve américain a vu ce rêve se briser de la manière la plus cruelle qui soit. Beaucoup de biographes s’accordent à dire que cette perte fondatrice est à l’origine de sa célèbre réserve, de sa pudeur presque maladive et de son besoin viscéral de protéger sa vie privée. Face à une douleur si intime et si exposée, il aurait érigé une forteresse pour protéger les siens et lui-même. La nature sauvage de l’Utah, où il achètera plus tard des terres pour y construire son ranch, deviendra son refuge, loin de la superficialité d’Hollywood et des souvenirs douloureux.

La vie, cependant, continue. Le couple aura trois autres enfants : Shauna, née en 1960, James (surnommé Jamie), en 1962, et Amy, en 1970. La famille se reconstruit, le succès arrive, et Robert Redford devient l’icône que l’on connaît. Mais le destin n’en a pas fini avec lui. Son fils, James, est confronté dès l’enfance à de graves problèmes de santé. Il souffre d’une cholangite sclérosante primitive, une maladie auto-immune rare qui détruit les canaux biliaires du foie. Il subit deux greffes du foie dans les années 1990 qui lui sauvent la vie.

Loin de se laisser abattre, James Redford transforme son combat en une source d’inspiration. Il devient un brillant documentariste et un militant écologiste passionné, marchant dans les pas de son père. Ses films, souvent axés sur la santé et l’environnement, témoignent d’une résilience et d’un optimisme extraordinaires. Il crée le James Redford Institute for Transplant Awareness pour sensibiliser au don d’organes. Robert Redford est immensément fier de ce fils courageux qui a fait de sa fragilité une force. Une relation père-fils profonde, faite d’admiration mutuelle et de combats partagés, les unit.

De son vivant, Robert Redford avait perdu deux de ses quatre enfants : l'un  deux n'avait que 5 mois

Mais en octobre 2020, la tragédie frappe à nouveau. Alors qu’il attendait une nouvelle greffe, James succombe à un cancer des voies biliaires à l’âge de 58 ans. Pour Robert Redford, alors âgé de 84 ans, le coup est terrible. Perdre un enfant adulte, avec qui l’on a partagé des décennies de vie, de luttes et de joies, est une douleur d’une autre nature, mais tout aussi dévastatrice. Il publie un communiqué d’une sobriété poignante : “Le chagrin est incommensurable. Jamie était un fils, un mari et un père aimant. Sa lumière, son amour de la vie et son héritage perdureront.”

Ces deux drames, espacés de plus de soixante ans, éclairent d’une lumière nouvelle la personnalité de Robert Redford. L’homme que l’on pensait distant ou froid était en réalité un père meurtri, un homme qui a porté en silence le poids d’un chagrin inimaginable. Sa quête de nature, son engagement pour la planète et sa volonté de créer un héritage durable avec Sundance prennent alors un sens plus profond. C’était peut-être sa manière de trouver un sens à l’absurdité de la perte, de construire quelque chose de beau et de pérenne sur les ruines de ses drames personnels.

En survivant à Scott et à James, Robert Redford a incarné la figure tragique du père qui enterre ses enfants. Cette perspective rend son parcours encore plus remarquable. Il a continué à créer, à inspirer et à se battre pour ses convictions, portant en lui des failles que le public ne soupçonnait pas. Derrière l’éclat du soleil de Californie, il y avait la noirceur du deuil, une dualité qui rend l’homme et la légende encore plus humains et infiniment plus touchants.