L’ultime secret de Bébert des Forbans : Pourquoi l’idole de la France a choisi de reposer en Israël, et le signe mystique qui a bouleversé ses obsèques

Le 25 novembre, le monde de la musique française a perdu l’une de ses figures les plus solaires : Albert Kassabi, alias Bébert, l’âme inoubliable du groupe Les Forbans. L’homme qui avait passé sa vie à offrir de la joie, transformant chaque scène en fête endiablée, s’est éteint à l’âge de 63 ans, terrassé par un cancer qu’il avait choisi d’affronter dans le plus grand des silences. Si la nouvelle de sa disparition a provoqué une onde de choc immédiate, une question, plus poignante et inattendue, a immédiatement plané au-dessus du deuil public : pourquoi Bébert, cet artiste viscéralement lié au pays qui l’a vu naître et triompher, a-t-il été enterré si loin, en terre d’Israël, aux côtés de sa mère ?

Ce choix, révélé par Michel Papin, son ami de toujours et batteur du groupe, n’est pas un simple détail géographique. C’est la clé qui permet de décrypter une vie menée entre la lumière éblouissante des projecteurs et un jardin secret empreint de douleur, d’amour filial et de blessures anciennes jamais refermées. C’est le récit d’un dernier voyage qui mène non pas à la fin d’une existence, mais à la réconciliation d’une âme avec ses racines les plus profondes, un geste d’amour presque sacré qu’il avait conservé, comme une promesse intime, pendant des années.

Le Secret Gardé : Un Retour Aux Origines

 

Le public et même une partie de son entourage ignoraient tout de cette décision prise de longue date, maintenue dans l’ombre comme un secret de famille que seule la mort avait le pouvoir d’éclairer. Pour Bébert, retourner près de sa mère disparue depuis tant d’années n’était pas un choix dicté par les circonstances, mais un impératif émotionnel, un lien que même la maladie n’avait pas réussi à briser. La perte de sa mère l’avait profondément marqué, et ce dernier acte, ce retour aux origines, était pour lui un adieu ultime, mais aussi un retour au bercail.

La douleur de la famille, qui devait affronter l’inimaginable, s’est doublée de l’urgence silencieuse d’orchestrer ce départ. Michel Papin, porteur de ce secret et du poids de quarante ans d’amitié, fut le messager d’une volonté inébranlable : Bébert devait reposer en Israël. Une destination qui symbolise plus qu’un lieu de sépulture ; elle représente un ancrage, un héritage invisible et puissant, un murmure de l’enfance qui avait toujours attendu d’être entendu. C’est dans cette distance, loin de l’effervescence médiatique, que Bébert a cherché, et trouvé, une paix qu’il n’avait jamais totalement atteinte sur terre.

Les Trois Années du Combat Secret

Le récit des derniers mois, tel que confié par Michel Papin, révèle la stature et la pudeur de l’homme derrière l’artiste. Bébert se battait en secret contre un cancer du côlon depuis trois longues années. Trois années de traitements, de fatigue, de douleur, où il avait obstinément choisi de continuer à sourire, à répéter, à projeter des concerts, comme si l’avenir était encore une page blanche. Cette discrétion, cette volonté de protéger son public, sa famille et ses amis de sa propre souffrance, est le reflet d’un homme qui n’a jamais voulu qu’on le voie faible, un artiste qui refusait que la compassion prenne le pas sur la musique.

Pourtant, le corps, lui, trahissait ce combat surhumain. Michel Papin se souvient du dernier concert, un point de bascule déchirant où l’énergie solaire de Bébert s’est brisée. Au milieu d’un titre, alors que la foule chantait, Bébert, submergé par une douleur terrible, s’est tourné vers Michel. Un seul regard, sans un mot, a suffi. L’ami a compris : c’était la fin. « Il n’en pouvait plus », raconte Michel, la voix empreinte d’une émotion vive. Après cet épisode, Bébert ne remontera plus jamais sur scène.

Le diagnostic, implacable, a révélé des métastases qui avaient envahi son corps silencieusement, mais avec une violence foudroyante. Il a été interné à l’hôpital, sans jamais pouvoir en sortir. Et pourtant, son esprit, d’une obstination presque enfantine, refusait de capituler. Jusqu’au dernier instant, il parlait de futurs concerts, de nouveaux projets, persuadé qu’il allait se relever. « On repart sur scène tous ensemble », disait-il. Un déni magnifique et tragique, auquel ses proches se sont accrochés pour ne pas lui ôter le seul espoir qui lui restait.

Le Déchirement et la Loyauté sur le Tarmac

 

Le jour du départ pour Israël fut d’une lourdeur insoutenable. Sur le tarmac, alors que le cercueil de Bébert était placé dans l’avion, le silence s’est fait total, brisé seulement par le vent et les sanglots retenus. Astrid, son épouse, était là, les mains tremblantes, serrant contre elle une photo de leur mariage, un souvenir de Mancy. Son visage portait le fardeau de la fatigue, de l’amour et de l’immense douleur d’une femme ayant perdu son pilier, son roc.

Les musiciens des Forbans, dont Michel Papin, se tenaient immobiles, le regard perdu, portant le poids d’une amitié de quatre décennies. Dans l’avion, la peine se mélangeait aux anecdotes murmurées, aux rires doux et fragiles. Ce mélange étrange de larmes et de sourires est typique des funérailles de ceux qu’on a aimés passionnément, une tentative désespérée de retenir un peu de la lumière du disparu au milieu du chagrin.

Puis, il y a la présence bouleversante du père de Bébert, âgé de 96 ans, qui a fait le voyage depuis Israël pour dire adieu à son fils. Un père qui enterre son enfant. Malgré son âge et la fragilité de son propre corps, il a tenu à être là, un ultime acte d’amour et de loyauté. Il fut l’un des derniers à s’approcher du lit d’hôpital, posant une main tremblante sur celle de Bébert, murmurant une prière en hébreu dont la force ancienne a traversé la pièce comme un souffle sacré. Cette image, celle de trois générations réunies dans la douleur et le silence, résume l’intensité des liens familiaux qui ont toujours guidé Bébert.

L’Hommage en Terre Sainte : Guitare et Séquence Mystique

En Israël, les préparatifs ont été orchestrés avec une délicatesse infinie. Le lieu de sépulture, simple et paisible, baigné d’une lumière douce, offrait un horizon d’apaisement. Lorsqu’enfin, le cercueil a été porté vers la tombe familiale, l’émotion, jusque-là contenue, a éclaté.

C’est alors que Michel Papin, dans un geste d’une beauté et d’une pudeur déchirantes, a avancé. Il a pris sa guitare et a joué, seul, une mélodie douce, indicible. Quelques notes pour dire l’indicible, pour accompagner son ami, pour transformer la douleur brute en hommage musical. La musique qui avait porté Bébert toute sa vie venait maintenant l’accompagner dans la mort.

Mais le moment le plus inattendu, presque irréel, est survenu juste après. Au moment précis où la terre retombait doucement sur le cercueil, un souffle de vent soudain, chaud, rapide et violent, a traversé le cimetière. Les feuilles se sont levées, les vêtements ont frémi, les roses se sont mises à vibrer. Astrid a reculé, la main sur la bouche. Le vent s’est calmé aussi vite qu’il était apparu, laissant derrière lui un silence plus lourd qu’avant. « C’était lui », a murmuré quelqu’un. Un signe, un dernier clin d’œil de celui qui avait passé sa vie à transformer l’émotion en vibration. Pour ceux qui l’aimaient, ce n’était pas un hasard, mais une présence, une lumière qui refuse de s’éteindre.

Puis, Michel Papin a repris sa guitare, non pas pour l’hommage prévu, mais pour une balade intime, un morceau que Bébert n’interprétait qu’en privé, dédié à sa mère. Une chanson qu’il avait juré de ne plus jamais chanter, par respect, par douleur, par fidélité. Là, devant la tombe, la mélodie simple, lente et déchirante a raconté l’amour d’un fils, le manque jamais comblé, et le retour, enfin accompli, à cette terre sacrée.

La Leçon de l’Inachevé

 

Le cœur du drame de Bébert réside dans le sentiment d’inachevé. Il est parti en se battant pour croire au prochain concert, laissant derrière lui une promesse brisée. Sa mort n’est pas seulement la fin d’une vie ; c’est la fin d’un rêve musical qui ne demandait qu’à continuer.

Son ultime voyage vers Israël est une réconciliation. C’est là, dans ce lieu lointain et humble, que tout semble enfin trouver son sens : la fin d’un cycle, la fermeture d’un chapitre intime, profond, presque sacré. Bébert est parti, oui, mais il n’est pas seul.

Aujourd’hui, il demeure. Dans le regard de ses enfants, dans la force d’Astrid, dans l’amitié indéfectible de Michel, et dans chaque refrain des Forbans. La leçon qu’il nous laisse est celle-ci : la force d’une vie ne se mesure pas à sa durée, mais à l’intensité avec laquelle on la traverse. Il a choisi ses derniers pas avec une dignité et une pudeur presque sacrées, faisant de son dernier adieu non pas un moment de faiblesse, mais un acte d’amour éternel envers sa mère et envers ceux qu’il a protégés jusqu’au bout. Dans ce retour à ses racines, Bébert trouve la paix, laissant derrière lui un héritage de joie, de courage, et de musique qui continuera de raisonner bien au-delà du silence.