Nul n’est Prophète dans l’Oubli : Le Destin Amer de Bébert Kassabi, Entre Gloire Éphémère et Disparition Silencieuse

Mesdames et messieurs, il a fait vibrer et danser la France entière avec ses refrains joyeux, ses chorégraphies rétro et son look de gendre idéal tout droit sorti d’une surprise-partie rock ‘n’ roll. Pourtant, le 25 novembre 2025, à l’âge de 63 ans, Albert “Bébert” Kassabi, l’âme du groupe Les Forbans, est parti presque en silence. Loin du tumulte médiatique qu’il avait connu à la gloire, sans hommage national, ni même un bandeau noir sur les chaînes de télévision. Comment un artiste qui fut l’icône d’une génération insouciante a-t-il pu disparaître dans une relative indifférence, son nom ne faisant plus la une, ses chansons ne vivant plus que dans la nostalgie ?

Le cas de Bébert Kassabi illustre, avec une justesse cruelle, la mécanique impitoyable de l’oubli culturel, où même une star populaire peut s’éteindre dans l’ombre. Aujourd’hui, nous revenons sur la vie, le combat secret, la mort et l’héritage d’un chanteur que la France semble avoir laissé derrière elle.

De Tunis au Disque d’Or : La Trajectoire d’un Artisan de la Scène

 

Albert Kassabi voit le jour le 13 février 1962 à Tunis, en Tunisie. Issu d’une famille d’origine nord-africaine modeste, il grandit en banlieue parisienne, à Ivry-sur-Seine. Bercé par le rock américain des années 50 et la chanson française, il trouve très tôt sa vocation. À 16 ans, en 1978, il fonde avec ses camarades de lycée le groupe Les Forbans. Répétitions dans un garage, reprises des standards, l’énergie du groupe se fait connaître dans les bals et les petites fêtes locales.

Le coup de maître arrive en 1983. Bébert adapte le tube américain Shout, Shout, Knock Yourself Out sous le titre français “Chante”. Le succès est fulgurant et dépasse toutes les attentes. Le single s’écoule à plus de 2 millions d’exemplaires, devient disque d’or et propulse Les Forbans sur toutes les scènes et émissions de variété. Le groupe devient un véritable phénomène de société, incarnant un rock festif, joyeux et accessible à toute la famille. Avec son accent parisien matiné de soleil méditerranéen et son sourire ravageur, Bébert devient le visage de cette France populaire et insouciante.

Cependant, cette histoire glorieuse connaît des ruptures. En 1987, Bébert tente une carrière solo sous le nom d’Albert Alone, mais le succès ne suit pas. Il revient en 1990 pour relancer Les Forbans. Dès lors, le groupe joue la carte de la nostalgie, leurs tubes étant toujours acclamés, notamment lors des tournées d’idoles des années 2000 et 2010.

Parallèlement à la scène, Bébert cultive une image d’« homme normal », parlant souvent de ses racines modestes et même de son métier secondaire de menuisier qu’il continue de pratiquer dans l’ombre. Il se décrit comme un homme simple, fier d’être français. « Je chante pour vivre, pas pour être une idole », assumait-il. Il incarnait pour ses fans, les quadragénaires et les quinquagénaires, la mémoire musicale d’une époque révolue.

La Bataille Secrete Contre la Maladie et le Départ dans l’Ombre

 

L’une des facettes les plus poignantes de son départ fut son combat contre la maladie. Le lundi 25 novembre 2025, à 4h12 du matin, Albert Kassabi rend son dernier souffle dans un hôpital discret de la région parisienne, en service d’oncologie. Pendant plus d’un an, Bébert a lutté contre un cancer du côlon.

Ce combat fut mené dans un silence quasi-total. L’artiste avait choisi de s’éloigner des projecteurs, annulant une tournée prévue à l’été 2025 sans aucune explication officielle. Ses réseaux sociaux étaient restés figés. La maladie l’avait affaibli progressivement, mais sa discrétion fut absolue.

La nouvelle de sa mort ne s’est répandue qu’en fin d’après-midi, via un communiqué bref, relayé par des sites spécialisés et des radios nostalgiques. Mais aucune chaîne de télévision n’a interrompu ses programmes, aucun journal télévisé n’a ouvert sur cette disparition. Pas de bandeau noir, pas d’hommage national. Bébert, malgré avoir marqué la mémoire collective et chanté dans toutes les kermesses, a été traité comme une simple brève noyée dans le flot d’une actualité surchargée.

Mort de "Bébert", leader des Forbans : le Val-de-Marne, cette terre où la  vie d'Albert Kassabi a basculé

Le Mystère du Silence Médiatique : Controverse et Oubli

 

Pourquoi un tel silence autour d’une figure aussi populaire ? D’après ses proches, notamment sa femme Astrid et son fils aîné, Bébert avait expressément demandé une extrême simplicité : pas de messe publique, pas d’obsèques cathodiques. Il aurait confié à ses enfants que ses chansons survivraient mieux qu’un discours. Sa dépouille a été incinérée lors d’une cérémonie très privée, à laquelle seuls les intimes étaient conviés, sans qu’aucune photo ne filtre.

Ce silence, bien que souhaité par l’artiste, interroge sur la mécanique de l’oubli dans le showbiz. Plusieurs hypothèses émergent pour expliquer le traitement médiatique minimal :

    L’Indépendance et l’Oubli Professionnel : Bébert n’était plus sous contrat avec aucune maison de disque majeure. Sans attaché de presse ni producteur avec de puissants relais médiatiques, son image était gérée seul, reléguant sa carrière à des tournées nostalgiques. Dans le monde cruel du spectacle, celui qui n’est plus “visible” ou “actuel” est rapidement frappé par l’oubli.

    La Marginalisation Politique : Plus troublant, certains observateurs y voient la conséquence de ses prises de position passées. En 2012, Bébert avait suscité une vive polémique en acceptant de jouer dans un gala privé du Front National. Malgré ses explications qu’il s’agissait d’une prestation purement commerciale, une partie du milieu culturel l’avait marginalisé. Ce passé controversé aurait pu dissuader certaines rédactions de lui consacrer un hommage approfondi, craignant la controverse.

Seuls les hommages du public sont arrivés, par vagues discrètes mais sincères, à travers les forums et les réseaux sociaux. Ces témoignages d’anciens fans, aujourd’hui sexagénaires, tissent le portrait d’un artiste qui avait marqué durablement les cœurs sans faire de bruit, loin des honneurs institutionnels.

L’Héritage Caché : Entre Maison Modeste et Rente Musicale

 

Contrairement à ses illustres contemporains, Albert Kassabi n’a pas laissé derrière lui un empire financier ni une fortune colossale. Son patrimoine, à la fois économique, artistique et émotionnel, s’avère plus complexe et riche que ce que son image d’artiste de galas laissait paraître.

Sur le plan matériel, Bébert vivait dans une maison modeste en région parisienne avec sa deuxième épouse, Astrid, sans villa à Saint-Tropez ni appartement à Marrakech. L’homme n’était pas un spéculateur, mais un artisan.

Sa véritable richesse résidait dans son catalogue musical. Bien qu’il n’ait jamais retrouvé le sommet des charts, ses tubes continuaient de générer des revenus stables. Selon une interview de 2021, Bébert touchait encore entre 4 000 et 5 000 € par mois grâce aux droits d’auteur et de diffusion de ses chansons phares (“Chante”, “Le rock des copains”, “Flip Flap”). Ces revenus provenaient de la SACEM, des compilations, des diffusions radio et télé, et des plateformes de streaming.

Les spécialistes du secteur estiment que le catalogue des Forbans pourrait valoir entre 500 000 et 800 000 € en valeur d’exploitation future – un patrimoine immatériel mais transmissible qui continuera de percevoir des droits pendant des décennies.

Photo : Albert Kassabi (Bébert du groupe Les Forbans) et sa femme Astrid -  J.L.Lahaye s'est marié en secondes noces avec sa compagne P.Aubin à la  mairie du 18ème arrondissement de Paris, le 2 juillet 2025. © Agence /  Bestimage - Purepeople

Une Succession Claire : L’Héritage Sans Conflit

 

L’homme qui aimait la simplicité a préparé sa succession avec soin, évitant le chaos successoral que connaissent de nombreuses célébrités. Selon des proches, Bébert, père de deux enfants issus de son premier mariage avec Nourith, avait organisé sa succession dans les règles.

Son épouse, Astrid, a été désignée usufruitière de la maison familiale et bénéficiaire des droits d’auteur. Ses enfants hériteront de la nue-propriété ainsi que des revenus futurs issus de son œuvre musicale. Aucune contestation judiciaire n’a été rendue publique, pas de testament obscur, pas d’épouse rivale. Bébert, fidèle à son image de « gars droit », a organisé les choses dans l’harmonie.

Conclusion : Que Vaut la Gloire Quand Elle S’Éteint dans l’Ombre ?

 

Le cas de Bébert Kassabi est une note amère qui réveille une question troublante : peut-on briller sans jamais être reconnu à sa juste valeur ? Populaire mais non canonisé, adoré mais non sacralisé, Bébert n’a jamais bénéficié de la reconnaissance institutionnelle qu’on accorde aux grands noms. Son réalisme — chanter pour vivre, pas pour la postérité — l’a peut-être empêché d’accéder au panthéon artistique.

Pourtant, le vide laissé dans le cœur de millions de Français de la génération Mitterrand est réel. Les chansons des Forbans ne sont pas de simples curiosités ; elles sont des capsules temporelles, des marqueurs de jeunesse, des fragments d’identité.

Albert Bébert Kassabi, avec son énergie contagieuse et son sourire solaire, s’en est allé comme il l’avait souhaité : loin des projecteurs, mais fidèle à lui-même. Sa disparition discrète, presque effacée, nous rappelle que la mémoire collective ne suit pas toujours les règles de la notoriété. Il a légué un héritage émotionnel profondément ancré dans l’ADN culturel français. La prochaine fois que vous entendrez Chante, fermez les yeux. Ce n’est pas une fortune titanesque qu’il a laissée, mais une poignée de refrains simples et sincères qui résonnent encore, pour que la vie semble un peu plus légère. Le rock ‘n’ roll populaire a perdu un visage, mais son cœur continue de battre dans les mémoires.