L’OFFRE SECRÈTE DE COLUCHE : « Il voulait m’adopter » — Comment l’humoriste a tenté de sauver la fille de Patrick Dewaere après le drame

Lola Dewaere : le jour où Coluche a voulu l'adopter après la mort tragique  de son

Le cinéma français est une constellation d’étoiles, mais certaines brillent d’un éclat tragique, laissant derrière elles des cratères d’émotion et des histoires enfouies. Trente ans après la mort de Patrick Dewaere et la disparition prématurée de Coluche, un détail poignant refait surface, révélé par l’une des héritières les plus résilientes de cette époque : Lola Dewaere. Il ne s’agit pas d’un simple souvenir, mais d’un geste de réparation d’une intensité rare, une tentative désespérée de Coluche pour adopter la petite fille de son ami foudroyé. Cette révélation, faite avec une dignité touchante par l’actrice, ne fait pas que rouvrir de vieilles blessures; elle offre une lecture bouleversante de la culpabilité, de l’amitié trahie, et de la générosité humaine face à l’irréparable.

 

Le 12 juillet 1982 : Le jour où la lumière s’est éteinte

 

Pour comprendre la magnitude de cette offre d’adoption, il faut revenir à ce funeste jour de juillet 1982. Patrick Dewaere, acteur incandescent, dont le talent brut et la fragilité à vif captivaient la France, met fin à ses jours à l’âge de 35 ans. C’est un choc monumental qui déchire le tissu de la culture populaire et marque le début d’un mythe.

Lola, sa fille unique avec Élisabeth « Elsa » Malvina Chalier, n’a alors que deux ans et demi. Son monde bascule dans l’absence sans qu’elle ne puisse en conserver le moindre souvenir conscient. Le drame est d’autant plus sordide que l’instrument du suicide — une carabine de calibre 22 long rifle — lui avait été offerte par son meilleur ami, un certain Michel Colucci, plus connu sous le nom de Coluche. L’humoriste lui avait offert cette arme pour « qu’il se défoule sur des cibles en carton dans sa cave ». Le cadeau, censé être un exutoire, s’est transformé en instrument de la fatalité.

La blessure est double : celle de la perte, et celle de la trahison. Quelques heures avant l’acte irréversible, Patrick Dewaere reçoit un appel qui scelle son destin. Il découvre la liaison de son épouse, Elsa Chalier, avec Coluche. Un ami, témoin de la scène, aurait même envenimé la situation par des mots cruels adressés à l’acteur. Lola Dewaere elle-même, des années plus tard, évoquera cette « trahison suprême » qui fut « la douleur de trop » pour son père déjà en proie à des démons personnels, accentués par la drogue et les angoisses existentielles.

L’onde de choc émotionnelle submerge la famille. Elsa Chalier se retrouve seule, démunie, avec la charge d’élever une enfant en bas âge et de faire face aux dettes laissées par l’acteur. Dans ce chaos financier et moral, la petite Lola est mise à l’abri chez ses grands-parents maternels dans le Maine-et-Loire.

 

Coluche et le poids d’une culpabilité écrasante

 

Coluche n’était pas seulement un ami de Patrick Dewaere; il était un pilier de sa vie, et devait être son parrain. La culpabilité qui s’abat sur l’humoriste après le drame est immense, complexe et multiple. Il y a la culpabilité du survivant, celle de l’ami qui a involontairement fourni l’arme, et celle, plus personnelle, liée à sa relation naissante avec Elsa Chalier. Cette culpabilité, Coluche cherche à la sublimer, à la transformer en un acte de loyauté et de réparation ultime.

C’est dans ce contexte de deuil et de remords que l’humoriste, géant au cœur d’or et aux gestes excessifs, prend une décision aussi inattendue qu’extraordinaire : il appelle les grands-parents de Lola pour leur faire part de son intention d’adopter l’enfant.

Le témoignage de Lola Dewaere, livré notamment lors de l’émission Café Picouly en 2010, est d’une précision glaçante : « Tout à fait, il a eu mon grand-père au téléphone parce que ma mère m’avait mise chez mes grands-parents. Peut-être deux ou trois semaines après, Michel appelle mon grand-père et lui dit : ‘Je voudrais adopter Lola. Je devais être son parrain, elle devait se faire baptiser, donc c’est à moi de l’élever.’ »

Ce n’était pas un simple coup de tête, mais une conviction profonde, un sens du devoir poussé à l’extrême. Coluche se voyait comme le tuteur désigné, celui qui devait reprendre le flambeau de l’éducation de l’enfant, par respect pour son ami disparu et par besoin viscéral d’offrir une stabilité à la petite orpheline. L’idée de l’adoption représentait pour lui une manière de boucler la boucle, de transformer la tragédie en un nouveau départ, de laver, symboliquement, une partie de la faute. C’était le geste d’un homme qui, malgré son image de trublion, cachait une humanité bouleversante.

Lola Dewaere : après le suicide de son père, Coluche a voulu l'adopter -  Public

Le « Non » du grand-père : Protéger Lola du Tumulte

 

L’offre de Coluche, bien qu’animée par les meilleures intentions, a heurté de plein fouet la douleur et la colère de la famille de Patrick Dewaere. La réponse du grand-père maternel fut immédiate et sans appel. « Mon grand-père a refusé. Il ne fallait pas toucher à Lola », a rapporté l’actrice.

Ce refus, catégorique et ferme, n’était pas un simple rejet légal ou une impulsion. C’était l’expression d’une douleur trop fraîche et d’une impossibilité morale. Aux yeux de la famille Dewaere, Coluche, par son statut d’amant et de pourvoyeur de l’arme, était intimement lié à l’événement tragique. L’accepter dans la vie de Lola, c’était accepter que le bourreau — ou du moins l’agent de la fatalité — devienne le sauveur. C’était trop demander à des gens qui essayaient juste de se reconstruire loin du tumulte médiatique et des scandales.

En choisissant de la garder, les grands-parents ont préservé Lola de la complexité toxique de la relation Coluche-Elsa, une relation qui avait coûté la vie à son père. Ils ont préféré l’ancrer dans une lignée plus stable, bien que marquée par le deuil. Leur décision, dictée par l’instinct de protection, a scellé le destin de Lola, la plaçant sous la garde de sa mère et de sa famille maternelle, loin de l’ombre de l’icône à l’époque la plus controversée de sa vie.

 

L’héritage et la résilience de Lola Dewaere

 

Aujourd’hui, Lola Dewaere est une actrice accomplie, connue pour son rôle dans des séries à succès comme Astrid et Raphaëlle. Sa résilience force l’admiration. Ayant dû se construire sans son père, elle a passé son enfance à l’apprivoiser à travers les films et les témoignages. Elle porte en elle les cicatrices d’un héritage complexe, mais les a transformées en force.

Raconter publiquement cette histoire d’adoption avortée est un acte de lucidité et d’apaisement. En la révélant, elle ne cherche pas à accuser, mais à humaniser. Elle met en lumière non seulement le désespoir de son père, mais aussi l’immense cœur de Coluche, ce geste de responsabilité qui dépassait la simple amitié. C’est la preuve que sous la carapace du clown et du provocateur se cachait un homme capable des plus grands sacrifices et des plus nobles intentions.

L’histoire de Lola Dewaere est celle d’une survivante qui a transformé la malédiction en carrière. Le « non » du grand-père a eu des conséquences profondes, l’obligeant à naviguer dans un monde sans figures paternelles stables. Mais en même temps, il lui a permis de tracer son propre chemin, d’incarner son propre personnage public, sans être constamment réduite à « la fille adoptive de Coluche » ou « l’enfant de la star foudroyée ».

En définitive, le destin de Lola Dewaere et de Patrick Dewaere, ainsi que l’ombre tutélaire de Coluche, forment une trame narrative plus riche et plus sombre que n’importe quel scénario de cinéma. Ce secret d’adoption manquée est le point de jonction entre deux mythes, un moment où la générosité a tenté de panser une blessure qui était, malheureusement, trop profonde et trop complexe pour être réparée par un simple acte de filiation. Il rappelle que derrière les rires et les applaudissements des icônes, se cachent des tragédies intimes dont l’écho résonne encore des décennies plus tard. Lola Dewaere, en révélant ce pan de son histoire, non seulement rend hommage à l’humanité de Coluche, mais réaffirme sa propre force, celle d’une femme qui a pris son destin en main, malgré les fantômes du passé.