Kendji Girac, à cœur ouvert : les confessions explosives de “Mi Vida”, entre la gloire, les démons et la renaissance

Rendez-vous culture : Kendji, il revient en grande forme !

C’était une prière murmurée dans la frénésie d’un plateau télévisé, un cri du cœur à contre-courant du destin qui s’écrivait pour lui. “Mamà, je t’en supplie, prie pour que je ne gagne pas…”. Ces mots, ce sont ceux d’un jeune homme de 17 ans, Kendji Maillé, quelques instants avant que la France ne le sacre “The Voice”. Dix ans plus tard, l’écho de cette supplique résonne avec une puissance prophétique à la lecture de “Mi Vida”, son autobiographie poignante parue aux éditions Flammarion. Loin de l’image lisse et du sourire éclatant qui ont fait sa renommée, Kendji Girac se livre sans fard, exposant les failles, les excès et les drames qui ont jalonné une décennie de gloire fulgurante. Un récit intime et courageux, dont le point d’orgue est la terrible nuit du 22 avril 2024, où une balle a bien failli mettre un terme brutal à cette vie qu’il avait tant redoutée.

Le drame de Biscarrosse. La France entière s’était réveillée ce matin-là avec une nouvelle glaçante : le chanteur avait été gravement blessé par balle au thorax. S’ensuivit un tourbillon médiatique, alimenté par une conférence de presse du procureur de la République qui avait déballé l’intimité du couple, évoquant une dispute conjugale et une “simulation de suicide” pour effrayer sa compagne. Dans “Mi Vida”, Kendji Girac reprend la parole, sa parole, et livre enfin sa vérité. Non, il n’a jamais voulu mourir. “Le suicide est même inconcevable pour un gitan, car celui qui fait ça va direct en enfer”, écrit-il avec force, balayant la version qui avait fait les gros titres.

Il raconte cette soirée funeste avec une honnêteté désarmante : une forte alcoolisation, des excès devenus trop fréquents, et ce pistolet, acheté dans une brocante, qu’il manipule sans mesurer le danger. “J’ai commencé à boire souvent et trop”, avoue-t-il, décrivant une spirale infernale née d’une “sensation d’étouffement” face à un succès trop grand, trop rapide. Ce soir-là, dans un geste insensé, il pointe le canon sur son cœur. Et la balle part. Pas de chantage, pas de tentative de suicide, mais un acte irréfléchi aux conséquences presque fatales. “Il m’a fallu craindre de la perdre pour ressentir combien je l’aimais”, confie-t-il à propos de cette vie de star qu’il a si longtemps subie. Cette nuit-là, en frôlant la mort, Kendji a paradoxalement retrouvé le goût de vivre.

Avant la gloire, il y avait la vie en caravane, une “jeunesse heureuse” au sein de la communauté gitane en Dordogne. Jusqu’à ses dix-sept ans, l’horizon de Kendji était celui de la route, des feux de camp et de la musique partagée en famille. “Prendre la route, c’est resté ce que je préfère, aujourd’hui encore”, précise-t-il, soulignant son attachement viscéral à ses racines et à cette liberté nomade. C’est ce jeune homme, insouciant et heureux, qui est propulsé sous les feux des projecteurs après sa victoire à “The Voice”. “Tout bascule”, écrit-il. Le succès est immédiat, colossal. Les tubes “Color Gitano” et “Andalouse” envahissent les ondes, les albums se vendent par millions (plus de 6,5 millions au total), et les tournées s’enchaînent à un rythme effréné.

Mais derrière le sourire de façade, l’artiste étouffe. Le livre révèle un mal-être profond, celui d’un jeune homme qui n’a pas choisi cette vie, qui l’a vue s’imposer à lui sans crier gare. Il se sent déraciné, perdu dans un monde dont il ne maîtrise pas les codes. C’est dans ce contexte qu’il tombe dans les excès, cherchant dans l’alcool un refuge illusoire. L’autobiographie ne cache rien de cette descente aux enfers, de cette période sombre où il a failli “se brûler les ailes”.

Mi vida” de Kenji Girac : de quoi parle son autobiographie ?

Au-delà du drame et des addictions, “Mi Vida” est aussi le récit d’une reconstruction. La paternité, avec la naissance de sa fille Eva Alba en janvier 2021, puis de son fils Darel, a été un tournant majeur. Elle lui a donné une nouvelle raison de vivre, un ancrage. L’artiste y confie son désir de transmettre à ses enfants la stabilité scolaire qu’il n’a pas connue, lui qui a longtemps souffert de ses difficultés avec la lecture et l’écriture. C’est une autre révélation touchante du livre : la honte qu’il a pu ressentir face à l’illettrisme, une épreuve personnelle qu’il transforme aujourd’hui en un engagement public.

Le livre exhume également des blessures plus anciennes, plus secrètes. Kendji y raconte son premier face-à-face avec la mort, alors qu’il n’était encore qu’un jeune garçon. Il évoque la perte tragique de sa petite nièce, une douleur qui ne l’a jamais quitté. “Je garde l’image du visage endormi de ma nièce et de sa dernière tenue dans son tout petit cercueil blanc”, écrit-il dans un passage d’une émotion rare. Cette image glaçante, qui le hante encore aujourd’hui, a forgé sa sensibilité et sa perception de la vie.

Aujourd’hui, un an et demi après le drame, Kendji se dit “heureux” et “apaisé”. Ce livre est une catharsis, une manière de refermer un chapitre douloureux pour en ouvrir un nouveau, plus serein. Il réaffirme sa passion pour la musique et son amour indéfectible pour son public. “J’ai encore des gens à faire sourire, à faire danser”, lance-t-il avec une détermination retrouvée. Il attend avec une impatience non dissimulée sa prochaine tournée, prévue pour 2026, qui signera ses grandes retrouvailles avec la scène, cette scène qu’il a appris à aimer à force d’avoir failli la quitter pour toujours.

Avec “Mi Vida”, Kendji Girac ne se contente pas de raconter une success-story. Il offre un témoignage d’une humanité bouleversante, celui d’un homme qui a connu les sommets et les abîmes, la lumière aveuglante de la gloire et l’obscurité de ses propres démons. C’est le récit d’une renaissance, la leçon d’un artiste qui, en se dévoilant, nous rappelle que derrière chaque sourire se cache une histoire, et que la plus grande victoire est parfois, tout simplement, celle de choisir de vivre.