Pendant près de quarante ans, elle est restée une ombre. Discrète, effacée, presque absente du récit flamboyant de l’ascension politique fulgurante de Nicolas Sarkozy. Marie-Dominique Culioli, sa première épouse, symbolisait l’avant, les débuts hésitants, les promesses d’un futur encore incertain avant que la lumière des projecteurs ne dévore tout. Aujourd’hui, à 69 ans, alors que la France pensait avoir classé cette page intime de son histoire politique, Marie-Dominique brise ce qui restait de son silence. Sa prise de parole est tardive, mais d’une densité émotionnelle rare, ouvrant des brèches profondes dans l’image publique de l’ancien président. La vérité qu’elle révèle n’est pas un règlement de comptes politique, mais une confession déchirante sur l’homme qu’elle a aimé, sur la solitude, la trahison et la violence insidieuse d’un système d’ambition qui n’a cessé de broyer l’essentiel.

L’obsession qui a dévoré le mariage

Dans les biographies officielles, le mariage de Nicolas Sarkozy et Marie-Dominique Culioli, célébré en 1982, est souvent réduit à un simple chapitre d’introduction, vite éclipsé par les unions successives. Pourtant, pendant des années, elle fut la première à partager la vie intime de l’homme qui allait devenir chef de l’État. Elle a vu ses doutes, ses échecs, mais surtout sa transformation, son durcissement, son obsession grandissante pour le pouvoir.

Loin du jeune avocat prometteur, Marie-Dominique Culioli décrit aujourd’hui un homme « habité d’une obsession : réussir coûte que coûte, quitte à écraser le reste, quitte à sacrifier l’essentiel. » Cette soif de réussite n’était pas une simple ambition professionnelle ; c’était, selon son témoignage, une manière d’être, un rapport au monde où chaque minute devait être utilisée pour grimper un peu plus, où la moindre faiblesse était bannie.

Le couple, qui avait rapidement donné naissance à deux fils, Pierre et Jean, a vu ses repères traditionnels exploser sous la pression de cette course permanente. Marie-Dominique Culioli raconte cette solitude croissante : elle se retrouvait seule avec les enfants, tandis que Nicolas multipliait les réunions tardives, les dîners stratégiques, les absences. « Il ne rentrait presque plus, puis quand il rentrait, il n’était plus vraiment là. »

Le glissement fut progressif, mais profond. Elle confie avoir vu deux Sarkozy : « le mari charmant, chaleureux, drôle » et « l’homme politique tendu, nerveux, exigeant, obsédé par sa carrière. » C’est la superposition de ces deux personnalités, l’une publique et l’autre privée, qui a fini par fissurer la maison conjugale.

Le piège de la « confusion contrôlée »

L’aspect le plus sombre et le plus inattendu de sa confession concerne la violence psychologique subtile qu’elle dit avoir subie. Marie-Dominique Culioli dénonce l’impression d’avoir été progressivement « manœuvrée, orientée, réduite » de manière insidieuse. Elle n’évoque pas une brutalité ouverte, mais une mécanique bien huilée où l’ex-mari « savait très bien ce qu’il voulait et il savait très bien comment obtenir ce qu’il voulait avec moi aussi. »

Elle décrit des épisodes où ses choix étaient diminués, où une forme de culpabilité était instillée dès qu’elle exprimait une fatigue ou un désaccord. Ce n’était pas l’homme public, tout en persuasion et vitesse, mais un homme déstabilisant, capable de faire passer ses propres failles pour les siennes. Dans un passage saisissant, elle utilise un terme moderne pour décrire son calvaire de l’époque : ce mécanisme, où l’on fait douter l’autre de sa propre perception de la réalité, s’appelle le gaslighting. Elle raconte : « Il retournait la situation en un instant. C’était toujours moi qui n’avais pas compris, moi qui exagérais, moi qui voyais mal. »

Petit à petit, elle a perdu sa voix, son identité. La femme est devenue une « présence décorative », et elle avoue avec une lucidité douloureuse : « Je n’étais plus une personne, j’étais un élément dans son récit. » Elle vivait, dit-elle, « dans un état de confusion contrôlée. C’était voulu. » Un homme imprévisible dans l’intime, hyper-contrôlant dans la politique, glacial avec elle et charmeur avec les inconnus, souvent la même journée.

L’engrenage des « vies parallèles » : l’absolue trahison

 

La « vérité terrible » ne réside pas uniquement dans l’infidélité, mais dans ce qu’elle appelle « tout un système de mensonge, une mécanique bien rodée. » Le choc le plus traumatisant de sa vie survient le jour où, par un « hasard malheureux », elle tombe sur un échange écrit entre son mari et une femme qu’elle connaissait vaguement.

Ce qu’elle découvre va au-delà d’une simple liaison. Il s’agissait d’un « projet de vie parallèle », de promesses faites à l’autre, de critiques « humiliantes » à son égard, et surtout d’une volonté manifeste de l’effacer de son propre récit. « J’ai compris en lisant ces lignes que mon mariage n’était plus qu’un décor et que j’étais seule depuis bien plus longtemps que je ne voulais l’admettre. » Ce jour-là, elle sent la femme et la confiance mourir en elle.

Plus encore, elle dévoile l’existence d’un véritable « appareil » ou « système » structuré autour de Nicolas Sarkozy, même dès ses premières années d’ascension. Un réseau d’alliés, de confidents, qui servaient de protecteurs pour éviter les dérapages des « vies parallèles ». Certains proches l’auraient même « presque gentiment » sermonné, lui expliquant que ce genre de situation était « normal, que c’était le prix à payer pour être la femme d’un homme promis à un grand avenir. » Elle réalise alors qu’elle était moins la femme d’un homme que « le pilier silencieux d’un système. »

Elle souligne la nature calculatrice de son ex-mari, qui, selon elle, ne vivait pas une vie, mais « plusieurs vies en parallèle », dans lesquelles les gens n’étaient que des « variables » à utiliser, à séduire ou à neutraliser.

« C’est moi qui suis parti pour ne pas mourir »

Contrairement à l’idée reçue, Marie-Dominique Culioli affirme que la décision de la rupture lui est revenue. Après sa découverte, elle observe, elle écoute, elle attend en vain une reconnaissance, un aveu de la part de son mari. Mais celui-ci renforce seulement sa façade de travail, d’absence, de froideur et de contrôle.

Un jour, elle tente d’aborder le sujet. La réponse est glaçante : « Il m’a regardé et il a dit : ‘Tu te fais des idées ?’ Et il est parti. C’était ça notre mariage. » C’est ce simple déni, cette banalité de la cruauté, qui finit de la détruire.

« C’est moi qui suis parti parce que sinon j’y serais resté pour mourir, » révèle-t-elle. Elle n’a pas crié, n’a pas supplié. Elle a seulement tout préparé pour ses enfants et réglé les affaires essentielles avant de quitter la maison avec une valise et un silence lourd, disant simplement : « Je ne peux plus. » L’absence totale de réaction de son ex-mari à cet instant a confirmé, selon elle, la nature déshumanisée de leur relation.

La quête de vérité et de libération à 69 ans

 

La question qui brûle les lèvres de tous est : pourquoi maintenant ? Pourquoi attendre l’âge de 69 ans pour révéler une vérité aussi accablante ?

Elle répond avec une simplicité saisissante. Pendant longtemps, elle a cru que son silence « protègerait mes enfants. Je me rends compte aujourd’hui que ce silence a surtout protégé d’autres personnes, pas moi, pas eux. » Elle avait « honte » d’avoir accepté, de s’être effacée, d’avoir eu peur, et craignait de nuire à l’image de l’homme devenu politique majeur.

Mais avec l’âge, confrontée à la fragilité de l’existence et à la perte de proches, une urgence s’est imposée. Ses motivations sont triples et profondément humaines :

    Pour ses enfants : Ils ont le droit de connaître toute l’histoire.

    Pour elle-même : Refuser de « mourir avec ce poids », c’est une nécessité vitale de « libération ».

    Pour la vérité : Rétablir une « vérité humaine, non pas politique mais intime » pour que l’on connaisse l’homme autant que l’homme politique.

« J’ai eu peur de mourir sans avoir dit ce que j’avais sur le cœur, et j’ai eu peur que mes enfants vivent avec un mensonge sur moi, » avoue-t-elle, une phrase qui résume l’essence de son acte. Elle cherche la paix, non la vengeance.

Retrouver sa place dans sa propre vie

 

L’impact de la séparation fut dévastateur. Marie-Dominique Culioli confie avoir perdu son identité. « Pendant longtemps, je n’ai plus su qui j’étais, j’étais seulement l’ex-femme de Sarkozy. On m’avait même volé mon nom. » La reconstruction fut lente, jalonnée de nuits d’insomnie et de crises d’angoisse. Elle admet n’avoir recommencé à « respirer à nouveau » qu’à l’âge de 50 ans.

Aujourd’hui, son témoignage est son ultime acte de réclamation. « La France connaît l’homme politique, moi j’ai connu l’homme, » dit-elle, insistant sur le fait que ces deux personnes étaient « très différentes. » Le combattif vu en meeting n’était qu’une « projection publique » d’une réalité plus froide et plus calculatrice. Pour elle, Nicolas Sarkozy n’est pas un monstre, mais un homme « façonné par son ambition, par ses blessures, par son besoin de reconnaissance » qui lui rend « impossible d’aimer sans calculer. »

En conclusion de son bouleversant témoignage, Marie-Dominique Culioli ne cherche pas à détruire le parcours de son ex-mari. Elle souhaite simplement que l’homme soit vu « entièrement, avec ses forces, avec ses zones d’ombre. » Son message, d’une portée universelle, est un cri contre l’effacement de soi : « Personne ne devrait jamais s’oublier pour que l’autre brille. »

Après près de quatre décennies d’un silence qui l’a enfermée, isolée et presque détruite, Marie-Dominique Culioli referme le livre de son passé. « J’ai perdu ma place dans ma propre vie, aujourd’hui je la reprends, » dit-elle. Ce n’est ni vengeance ni réécriture de l’histoire, mais un geste vital. Elle a été l’ombre de quelqu’un. Aujourd’hui, elle choisit, enfin, d’être la lumière de sa propre vie. Son courage tardif, celui de nommer la trahison et la manipulation, pourrait bien être la plus belle des réparations.