« Ceux qui rient ne sont pas toujours heureux » : Le Secret Tragique de Biyouna Révélé par sa Fille

L’icône a quitté la scène non pas sous un tonnerre d’applaudissements, mais dans un silence que personne n’ose expliquer. Biyouna, la femme qui a fait rire et danser tout un pays, la figure de l’audace et de la liberté, s’est éteinte à 73 ans, laissant derrière elle un vide immense et une énigme. Comment cette artiste à la voix trempée dans le feu et au rire tonitruant a-t-elle pu mourir dans une obscurité presque totale, loin du vacarme qu’elle affectionnait tant ?

À peine le dernier hommage rendu, le mur du secret s’est fissuré. Sa fille, portant le poids d’une histoire trop lourde pour être portée seule, a choisi de briser le silence. Son témoignage, d’une lucidité poignante, révèle une fin tragique, entourée d’ombres, de décisions incomprises et d’un ultime geste qui bouleverse tout ce que le public croyait savoir sur l’artiste. Derrière le masque de l’icône flamboyante, se cachait une femme blessée, traversée de batailles qu’elle n’a jamais avouées. La question n’est plus de savoir quand Biyouna est morte, mais bien pourquoi elle a choisi de s’éteindre ainsi, dans une solitude choisie.

L’Épuisement de l’Icône : La Dualité entre Lumière et Ombre

 

Très tôt, Biyouna s’est imposée comme une force de la nature. Habitée par le chant, elle embrase les cabarets d’Alger, devient danseuse au Copacabana à 19 ans, avant d’éclater au grand écran. Son ascension, notamment grâce à la série télévisée La Grande Maison, fait d’elle l’icône la plus libre et la plus redoutée de sa génération. Dans une société où les mots d’une femme étaient souvent contraints, elle s’est battue pour sa voix, pour son irrévérence, pour sa modernité.

Mais cette lumière publique avait un revers. Selon le témoignage de sa fille, Biyouna excellait à « cacher la douleur comme on cache une cicatrice derrière un sourire ». Elle raconte une mère constamment tiraillée entre ce qu’elle incarnait – l’audace, la provocation – et ce qu’elle ressentait réellement : la peur de décevoir, la fatigue de lutter, l’épuisement d’exister dans un pays où la femme libre reste une provocation permanente.

La crise intérieure de l’artiste, insidieuse, s’est aggravée durant ses dernières années, bien avant que sa santé ne se dégrade visiblement. Sa fille se souvient des périodes d’isolement volontaire, des appels non répondus, des messages ignorés. Elle la trouvait parfois éveillée, assise sur le sol, déchirant et réécrivant des papiers, « comme si chaque phrase était le fragment d’une vérité trop lourde pour être dite ». Biyouna, la femme qui pouvait remplir une pièce de sa seule présence, rentrait chez elle pour sombrer seule. « Elle disait qu’elle préparait quelque chose », murmure sa fille, « mais je ne savais pas que c’était sa sortie du monde. »

Le Refus de la Fragilité : Cacher la Maladie pour Préserver le Mythe

Death of Algerian Icon Biyouna at 73: A Voice and a Face of African Cinema  and Culture Has Passed Away – Africa news eng

Le véritable drame éclate lorsque la maladie frappe. Biyouna, d’une fierté farouche, a immédiatement caché les premiers symptômes, puis les diagnostics initiaux. Sa peur n’était pas tant de mourir, que d’être vue affaiblie, de voir son image de femme forte déformée par la maladie. « Elle ne voulait pas que le public retienne l’image déformée de ce qu’elle avait été », confie sa fille. L’artiste refusait la compassion, rejetait la mise en scène de la souffrance. Toute sa carrière s’était bâtie sur la force et l’ironie ; elle ne voulait pas que l’on raconte son déclin comme une tragédie annoncée.

Durant des mois, elle a porté seule le fardeau de sa progression. Sa fille révèle un détail bouleversant qui illustre cette volonté de préservation ultime : certains jours, alors qu’elle peinait à respirer, Biyouna se maquillait les yeux « rien que pour répondre à un message vocal », refusant d’être vue autrement que debout, fière et entière. Cette posture, si admirable dans sa détermination, révèle une vérité plus déchirante : elle avait peur d’être réduite à une case qui n’était pas la sienne – celle de la malade, de la fragile. Elle voulait « garder la main sur son histoire », même si cela signifiait s’éloigner de ceux qui l’aimaient. C’est pourquoi ses derniers mois furent si solitaires, presque secrets, et qu’elle refusa la quasi-totalité des visites, non par froideur, mais par une pudeur qui contrastait violemment avec son exubérance publique.

L’Ultime Acte : Ne Pas Être Observée en Train de Mourir

 

Dans les semaines précédant sa mort, Biyouna a confié à sa fille qu’elle craignait plus que la maladie : le « vacarme autour de sa disparition ». Elle redoutait que sa mort ne devienne une légende, que sa fin soit inventée, exagérée ou déformée. Elle voulait « partir proprement », une phrase qui, selon sa fille, avait un sens beaucoup plus sombre et profond qu’on ne l’avait imaginé.

C’est pour cela, affirme-t-elle, que Biyouna a exigé l’obscurité totale dans sa chambre, le refus des caméras, le silence absolu autour de son lit. Ce n’était pas la peur de l’effacement, mais « la peur d’être observée en train de mourir ». Une nuance subtile mais bouleversante. Elle avait passé sa vie à combattre pour être maîtresse de sa propre voix, elle voulait que sa mort respecte cette même liberté.

La fille de Biyouna décrit ce moment de lucidité et de détachement où sa mère a prononcé une phrase glaçante : « Je n’ai plus peur. J’ai compris que le bruit n’est pas la vie. » L’artiste, habituée à forcer le monde à la suivre, cessait soudain de vouloir se battre contre ce qui la dépassait. Ce n’était pas une résignation, mais une forme de paix, une libération.

C’est dans cet état d’esprit que Biyouna a commencé à mettre de l’ordre dans ses « ombres ». Elle a fait venir un notaire, a réorganisé ses affaires avec une calme méthodologie, comme si chaque geste était un adieu formulé sans les mots. Elle a pris la décision radicale de refuser toute forme d’hommage public, même les plus simples. Sa fille affirme que ce n’était pas par modestie, mais par une rupture profonde entre elle et le monde du spectacle. L’artiste avait compris que le prix de la lumière avait été trop lourd à payer et elle ne voulait pas que sa mort devienne un spectacle de plus. « Les hommages sont pour les vivants, pas pour ceux qui partent », aurait-elle dit, résumant avec une dure clarté sa philosophie.

La Confession de l’Enveloppe : Une Clé et une Vérité

 

La révélation la plus troublante concerne la fameuse enveloppe retrouvée sur sa table de nuit, un geste digne d’un scénario. Sa fille révèle que cette enveloppe n’était pas une idée de dernière minute ; Biyouna l’avait écrite des semaines auparavant, mais n’avait jamais trouvé le courage de la confier. Un jour, l’artiste lui avait murmuré : « C’est pour quand je n’aurais plus de voix. »

À l’intérieur, il n’y avait pas seulement une phrase, mais un petit objet : une clé oxydée qu’elle gardait depuis des décennies sans jamais expliquer son origine. Pour sa fille, cette clé était le symbole de tout ce que Biyouna ne voulait jamais dévoiler : ses peurs, ses regrets, ses secrets. Le fait qu’elle l’ait glissée dans l’enveloppe était un ultime message, un aveu qu’elle n’avait jamais osé formuler autrement que par ce geste discret.

Elle y avait aussi inscrit sa fameuse sentence : « Ceux qui rient ne sont pas toujours heureux. » Cette phrase, que le public a longtemps prise pour une simple réflexion philosophique, était en réalité un aveu personnel : un aveu sur son métier, sur le rôle de femme forte qu’elle a joué jusqu’à la dernière seconde, alors que son cœur demandait du repos et du silence.

Le Testament Final : Amour et Réconciliation

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La fille de Biyouna témoigne d’un moment précis de réconciliation, non pas avec le monde extérieur, mais avec elle-même. Dans ses derniers jours, Biyouna a confessé à sa fille qu’elle n’avait « jamais su demander de l’aide », qu’elle s’était cachée derrière ses éclats de rire pour « protéger les autres » sans jamais protéger la « petite part fragile qu’elle gardait au fond d’elle ». Elle a dit avoir passé une vie à rire pour les autres.

Cette lucidité a conduit Biyouna à une réconciliation avec son parcours, lui permettant d’évoquer des noms qu’elle n’avait plus prononcés, des personnes avec qui elle avait rompu. Non pas pour ouvrir des blessures, mais parce qu’elle voulait savoir si ces personnes allaient bien, rassemblant les fragments de son histoire pour ne laisser derrière elle aucune part de vie abandonnée.

La mort de Biyouna n’a pas été une défaite, mais un choix, « assumé, presque serein ». Jusqu’au bout, elle a tenu à décider de la manière dont elle quitterait le monde : l’obscurité pour ne pas être réduite à une image, le silence pour que le vacarme ne s’empare pas de son histoire, la solitude par cohérence.

Dans un dernier souffle, l’artiste a murmuré ce qui restera comme son testament : « Finalement ce que l’on laisse n’est jamais ce que l’on croyait, ce n’est pas la gloire, ce sont les traces que l’on dépose dans le cœur des autres. » Ce sont ces mots que sa fille porte aujourd’hui, la preuve d’une femme qui a découvert, au crépuscule de son existence, qu’elle n’avait jamais cherché la gloire, mais seulement un peu d’amour et de compréhension. Biyouna s’est retirée sans s’effondrer, laissant derrière elle non pas une légende figée, mais la présence vivante d’une femme qui a eu le courage de se réconcilier avec ses failles avant de trouver le silence qu’elle avait tant cherché.