Biyouna : Icône de la Liberté, Captive du Silence ? Le Mystère Qui Hante Alger et Paris

L’affaire a éclaté sans crier gare au début du printemps, comme un coup de tonnerre au-dessus de la Méditerranée. L’icône de la liberté et du franc-parler algérien, Biyouna, se trouve subitement au cœur d’une controverse qui mélange drame familial, suspicion d’abus de faiblesse et silence institutionnel. C’est sa propre fille, Amel, qui a lancé un cri d’alarme public, dénonçant l’isolement total de sa mère et mettant en cause une femme de l’entourage proche de l’artiste.

Le témoignage d’Amel, brutal et désespéré, a secoué l’Algérie et sa diaspora. Elle affirme n’avoir plus de nouvelles de la comédienne depuis des semaines et accuse l’accompagnatrice vivant avec Biyouna dans sa résidence d’Alger d’orchestrer cette séquestration, évoquant même des menaces et l’administration d’« injections suspectes » à une artiste de 72 ans visiblement affaiblie.

Le contraste est frontal et douloureux : d’un côté, l’appel déchirant d’une fille, de l’autre, quelques jours plus tard, une courte vidéo de Biyouna, assurant être en sécurité et parfaitement libre. Un démenti qui, loin d’apaiser les doutes, n’a fait qu’alimenter un climat de suspicion durable qui hante l’opinion. Car l’histoire de Biyouna est celle de l’insoumission, et voir cette figure de proue de la liberté maghrébine potentiellement réduite au silence est une dissonance brutale qui interroge sur le sort des artistes vieillissants.

L’Icône Indomptable : Le Prix de l’Anticonformisme

Baya Bouzar, alias Biyouna, n’a jamais été une artiste ordinaire. Née en 1952 dans le quartier populaire de Belcourt à Alger, elle s’est imposée dans une société patriarcale en faisant de l’audace son arme. Dès les cabarets des années 70, elle a choqué les conservateurs et est devenue, au fil des décennies, l’idole de toute une génération de femmes.

Sa carrière, marquée par une liberté de ton radicale, a culminé avec son succès international, notamment grâce à ses collaborations avec des cinéastes comme Nadir Moknèche dans des films acclamés tels que Le Harem de Madame Osman ou Délice Paloma. Biyouna n’a jamais fait mystère de ses opinions, de son rejet de l’hypocrisie sociale et de son goût pour la provocation, même au risque de la censure en Algérie. Elle a vieilli sans renoncer à ses combats, incarnant une icône féministe capable de briser les tabous avec son humour grinçant et sa sensibilité tragique.

Pourtant, cette force publique a toujours masqué une vie privée plus complexe. Sa fille, Amel, restée souvent dans l’ombre, évoque une relation marquée par les tensions et la distance, accentuée par les années. À partir de 2020, Biyouna s’est faite plus discrète, évoquant des problèmes de santé et choisissant une vie plus retirée à Hydra, un quartier huppé d’Alger. Elle y vit depuis un certain temps, assistée par une dame de compagnie qu’elle décrivait comme la seule personne sur qui elle pouvait compter à 100 %. C’est précisément cette présence, décrite par Biyouna comme une “sœur”, qui est aujourd’hui le pivot de la polémique.

L’Appel Déchirant Contre la Mise en Scène Douteuse

L’alerte est donnée publiquement par Amel en mars. Visiblement bouleversée depuis Paris, elle poste une vidéo affirmant que sa mère est retenue et isolée dans son propre domicile. L’accusation est directe : la dame de compagnie empêche toute communication familiale et aurait pris le contrôle total de l’entourage de la comédienne.

L’onde de choc est immédiate. Les médias algériens reprennent l’affaire, des hashtags comme #LibérezBiyouna ou #RamenezMoiMaMère envahissent les réseaux sociaux. Le public se demande si la star, à 72 ans, est devenue la victime d’un abus de faiblesse, un scénario malheureusement déjà vu chez d’autres célébrités âgées et isolées.

Face à la pression médiatique et populaire, une réaction intervient rapidement. Une vidéo est publiée sur le compte TikTok de la femme accusée par Amel. On y voit Biyouna assise, maquillée mais visiblement affaiblie, assurant d’une voix mesurée qu’elle va “très bien”, qu’elle est “bien traitée” et qu’elle “remercie sa compagne de vie pour son aide constante”.

Mais cette séquence, censée rassurer, a l’effet inverse. Elle est vivement critiquée pour sa mise en scène maladroite. Les internautes décortiquent chaque image : la voix de Biyouna semble hésitante, son regard parfois fuyant, et surtout, elle ne mentionne jamais sa fille. Le détail le plus troublant intervient à la fin, où l’on entend clairement la femme derrière la caméra murmurer « C’est bon », comme s’il s’agissait d’un enregistrement préparé, voire forcé. Pour Amel et ses proches, c’est la preuve d’un scénario monté de toutes pièces pour faire taire les soupçons.

Amel réagit immédiatement en demandant une expertise médicale indépendante, affirmant que sa mère souffre de pertes de mémoire intermittentes et n’est plus en capacité de prendre toutes ses décisions seule. Cependant, le Parquet d’Alger ne commente pas, et le ministère de la Culture maintient un silence persistant. Ce vide institutionnel nourrit inlassablement les pires scénarios.

Le Mystère Financier et l’Héritage Menacé

Au-delà du drame humain, l’affaire Biyouna met en lumière des préoccupations financières. L’icône du cinéma a beau avoir eu une carrière prolifique, son patrimoine est modeste mais stable, estimé entre 700 000 et 1 million d’euros. Ce capital est réparti entre biens immobiliers à Alger (notamment sa maison à Hydra), des comptes bancaires en France et en Algérie, ainsi que des revenus d’exploitation de ses œuvres (droits d’auteur sur ses films et ses albums).

C’est la gestion quotidienne de ces ressources qui ravive les inquiétudes. Amel affirme ne plus savoir qui contrôle les comptes de sa mère ni comment sont utilisés ses biens, évoquant une perte progressive d’autonomie, y compris dans la signature de documents juridiques.

La situation est d’autant plus inquiétante qu’aucun document officiel n’atteste d’une mise sous curatelle ou d’une désignation légale d’un tuteur. Juridiquement, Biyouna reste seule maîtresse de ses décisions. Or, c’est précisément ce vide juridique qui expose la comédienne au risque d’abus de faiblesse et à des conflits successoraux. Si aucun testament officiel n’existe, Amel serait l’héritière directe selon le droit algérien. Mais si une donation ou un testament privé a été signé au bénéfice d’un tiers, en particulier l’accompagnatrice, une bataille judiciaire pourrait s’engager.

Amel a finalement déposé un signalement formel auprès du consulat d’Algérie à Paris, insistant pour qu’un médecin indépendant vérifie l’état de santé de sa mère. Mais, à ce jour, aucune mission de ce type n’a été rapportée.

L’Épilogue Silencieux : Une Icône Fantomatique

Depuis la diffusion de la vidéo de dénégation, Biyouna n’a plus jamais été aperçue en public. Aucun appel, aucune photo, aucun live. La maison d’Hydra est désormais hermétiquement fermée, plongée dans un silence qui contraste avec la joie bruyante et la musique qui y résonnaient autrefois. L’absence de bruit devient, paradoxalement, un signal d’alarme.

Malgré une lettre ouverte poignante publiée par Amel, suppliant les autorités d’intervenir, aucune action officielle n’a été enclenchée. Biyouna, l’icône adulée, est devenue une présence fantomatique, invisible, silencieuse et inaccessible.

L’affaire, reléguée au rang de conflit familial privé par certains, révèle un malaise sociétal profond. L’ironie est cruelle : celle qui a toujours revendiqué sa liberté et son franc-parler semble être prisonnière d’un silence dont elle ne peut s’extraire. Le doute plane, nourri par le manque de transparence et le silence des institutions.

Et si Amel avait eu raison ? Et si le public était collectivement en train d’assister au crépuscule dérangeant d’une grande artiste, masqué sous un semblant de “tranquillité volontaire” ? L’absence de preuves médicales et l’isolement prolongé transforment ce cas en un symbole poignant de la vulnérabilité des figures publiques vieillissantes, riches de leur histoire, mais fragiles dans leur intimité. La question demeure entière : où est vraiment Biyouna, et dans quel état ? Le silence est le prix douloureux qu’une artiste trop libre semble payer, même au soir de sa vie.