À 74 ans, Gérard Lanvin vide son sac : Les 5 trahisons qu’il ne pardonnera jamais, de Renaud à Dubosc.

Dans le panthéon du cinéma français, Gérard Lanvin occupe une place à part. Celle du “dur à cuire” au cœur tendre, de la “grande gueule” authentique, de l’homme qui n’a jamais sacrifié ses principes sur l’autel du show-business. À 74 ans, l’acteur à la voix grave et au regard d’acier continue de cultiver cette image d’intégrité brute. Mais cette carapace, forgée au fil d’une carrière riche et d’une vie personnelle mouvementée, cache des blessures profondes. Des cicatrices que le temps n’a pas effacées.

Beaucoup se souviennent de sa décision fracassante, en 2010, de refuser de participer à “Camping 2”, suite au succès monumental du premier opus. La raison officielle ? Des “divergences artistiques”. La raison officieuse, un secret de polichinelle dans le milieu : un désaccord profond et personnel avec la co-vedette du film, Franck Dubosc. Cet épisode n’était pourtant que la partie émergée de l’iceberg.

Aujourd’hui, Gérard Lanvin, avec la sagesse ou la lassitude de ses 74 ans, dresse un bilan sans filtre. Dans une confession rare, il nomme les cinq “personnes” ou entités qui, à ses yeux, ont commis l’irréparable. Cinq figures qui l’ont trahi, manipulé ou profondément déçu. Et dans cette liste, des noms célèbres côtoient des douleurs intimes, dessinant le portrait d’un homme qui n’a jamais su “faire semblant”.

L’homme qui ne jouait pas le jeu

Pour comprendre les rancunes de Lanvin, il faut comprendre l’homme. Né en 1950, il n’a pas fréquenté les grandes écoles de théâtre. C’est sur le tas, au mythique café de la gare, aux côtés d’esprits libres comme Coluche et Miou-Miou, qu’il a appris son métier. Son charisme naturel et son authenticité lui ont ouvert les portes du cinéma, avec des rôles qui lui colleront à la peau : des hommes virils, populaires, souvent en marge.

Il impressionne dans “Une étrange affaire” (1981), qui lui vaut un César, explose en duo avec Michel Blanc dans “Marche à l’ombre” (1984), et confirme avec “Les Spécialistes” (1985). Mais Lanvin n’est pas un acteur comme les autres. Il fuit les mondanités, se méfie des journalistes et cultive une image d’homme droit, presque rude. Le public l’admire pour cette sincérité, cette absence totale d’hypocrisie dans un milieu qui en regorge.

Même sa consécration tardive, le César du meilleur acteur pour “Le Goût des autres” (2001), ne change rien à sa nature. Il reste cet artisan, ce “parleur vrai” qui, selon ses propres termes, pense qu’”un homme sans ennemis est un homme sans valeur”. C’est cet attachement viscéral à la parole donnée et à la loyauté qui rendra les trahisons qu’il a vécues d’autant plus cuisantes.

La blessure originelle : La trahison de Renaud

La première personne sur sa liste est sans doute celle qui lui a infligé la douleur la plus dévastatrice. Dans les années 1980, Gérard Lanvin est éperdument amoureux de sa femme, Dominique Quilichini, avec qui il a eu un fils. Leur couple est solide, jusqu’à ce qu’un ami proche entre dans leur cercle : le chanteur Renaud.

Le “chanteur énervant”, charismatique et provocateur, séduit Dominique. Pour Lanvin, le choc est cataclysmique. Il perd tout en un instant : sa femme et son ami. L’humiliation est d’autant plus grande qu’elle devient publique. Renaud, loin de faire profil bas, revendique cette relation et épouse Dominique. Il ira même jusqu’à écrire une chanson satirique, “Les aventures de Gérard Lambert”, que Lanvin percevra comme une attaque déguisée, une provocation de trop.

Gérard Lanvin n’a jamais répondu publiquement. Pas d’insultes, pas de déballage médiatique. Sa seule réponse fut une colère froide, silencieuse et tenace. Cette blessure conjugale et amicale, cette “trahison intime”, est la première qu’il ne pardonnera jamais.

Le mépris professionnel : Le conflit avec Franck Dubosc

La deuxième personne est liée à l’un de ses plus grands succès publics : Franck Dubosc. Le tournage de “Camping” (2006) est une réussite commerciale. Lanvin, en campeur bouru (Michel Saint-Josse), offre un contrepoint parfait à l’exubérant Patrick Chirac de Dubosc. Mais lorsque la suite est mise en chantier, Lanvin claque la porte.

Les “désaccords profonds” évoqués cachent une véritable guerre d’ego. Lanvin, l’acteur “à l’ancienne”, n’a pas supporté ce qu’il considérait comme un manque de respect. Il accusera Dubosc de “tirer la couverture à lui”. Des années plus tard, son amertume était intacte, comme il le confiait dans une interview : “J’ai rendu service une fois à Franck Dubosc, je ne le ferai pas deux fois”.

Pour Lanvin, qui voit le cinéma comme un travail d’équipe, une aventure collective, l’attitude de Dubosc était une rupture du pacte de confiance entre acteurs. Même s’ils se sont retrouvés des années plus tard sur un autre film, “Pension complète” (2015), la cicatrice de “Camping” reste un symbole de sa méfiance envers une nouvelle génération d’acteurs plus individualistes.

La désillusion : Le cas Gérard Depardieu

Le troisième nom est celui d’un homme qu’il a longtemps admiré, un autre “monstre sacré” : Gérard Depardieu. Ils partageaient cette présence brute, cette vision virile du cinéma. Lanvin a même défendu Depardieu par le passé, notamment lors de son exil fiscal, au nom de la liberté de “faire ce qu’il veut”.

Mais les temps ont changé. Face à l’accumulation des provocations, des excès, et surtout des accusations d’agressions sexuelles et de harcèlement qui pèsent sur Depardieu, la solidarité de Lanvin s’est muée en profond désenchantement. Son commentaire récent sur l’affaire est sec et glaçant : “Je n’en ai rien à foutre”.

Ce n’est pas seulement l’homme qu’il rejette, mais ce qu’il représente : l’impunité, le cynisme, et ce que Lanvin considère comme une “trahison de leur génération d’acteurs”. La chute de l’idole est vécue comme une faillite morale qu’il ne peut cautionner.

Le système et le regret intime

Les deux dernières “personnes” sont plus diffuses, mais tout aussi présentes dans son ressentiment.

La quatrième est une entité : les producteurs et les journalistes. Lanvin voue une haine tenace à ce qu’il appelle le “système”. Il accuse les médias de “manipuler ses propos”, de “trahir sa confiance” pour créer du buzz. Lui qui fonctionne à la parole donnée ne supporte plus cette “société où l’homme n’a plus le droit à la nuance”. L’hystérie médiatique autour de l’affaire Depardieu n’a fait que cristalliser cette frustration.

Enfin, la cinquième “personne” est liée à une douleur plus intime, presque muette. Elle concerne son fils aîné, Manu, issu de son premier mariage avec Dominique. Le transcript mentionne un “lien distendu”, un “malaise” lié à la séparation douloureuse de ses parents. Ce non-pardon, le plus secret, n’est peut-être pas dirigé contre son fils, mais “peut-être lui-même, ou ce passé qu’il aurait voulu réécrire”. Un regret d’homme sur ce qu’il n’a pas su ou pu préserver.

“J’ai arrêté de haïr”

Aujourd’hui, Gérard Lanvin semble avoir trouvé une forme d’apaisement. Non pas dans le pardon, qu’il juge “inaccessible”, mais dans la résilience. Il a trouvé un équilibre auprès de son autre fils, Manu, musicien de blues, avec qui il partage désormais la scène. Une complicité qui vaut toutes les réconciliations publiques.

Récemment, interrogé sur le pardon, l’acteur a livré la clé de sa philosophie, une phrase qui résume l’homme : “Je n’ai pas pardonné, mais j’ai arrêté de haïr”.

À 74 ans, Gérard Lanvin n’attend plus d’excuses. Il n’a pas effacé les blessures, il a choisi de vivre avec. Il n’a pas tourné la page, il a simplement cessé de se détruire avec le passé. En nommant ses démons, il ne règle pas ses comptes ; il rappelle simplement qu’il est resté fidèle à lui-même, un homme dont les silences sont plus éloquents que tous les discours.