Le décor est planté, non pas sur une scène de théâtre, mais dans les coulisses impitoyables de l’arène politique française. Une phrase, lancée comme une flèche empoisonnée, suffit à enflammer le paysage médiatique. Élisabeth Borne, Première ministre, dans une sortie qui restera dans les annales, a porté une charge d’une violence inouïe contre le Rassemblement national. L’accusation ? Le parti présidé par Jordan Bardella ne serait rien de moins que “l’héritier de Pétain”.
En quelques mots, le vernis de la “normalisation”, patiemment construit par le RN depuis des années, vient de voler en éclats. L’attaque est frontale, délibérée, et vise le cœur du réacteur idéologique du parti. “Je ne crois pas du tout à la normalisation du Rassemblement national”, a martelé la Première ministre, avant d’enfoncer le clou : “Ces idées sont toujours les mêmes. […] Je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse.”
Le mot est lâché, la bombe est dégoupillée. En liant directement le RN au maréchal Pétain et au régime de Vichy, Élisabeth Borne ne fait pas que de la politique ; elle touche à la mémoire collective, à la fracture la plus douloureuse de l’Histoire de France. “Un changement de nom ne change pas les idées et les racines”, conclut-elle, signifiant que, pour elle, Front national ou Rassemblement national, la filiation est directe, indélébile et honteuse.
L’effet est immédiat. La sphère politico-médiatique retient son souffle. Tous les regards se tournent vers le principal intéressé, Jordan Bardella. Comment le jeune président du RN, incarnation même de cette stratégie de dédiabolisation, allait-il répondre à une attaque d’une telle gravité ? Allait-il se défendre sur le terrain glissant de l’Histoire ? Allait-il plaider l’anachronisme ?
Sa réponse fut une leçon de stratégie politique, un pivot rhétorique digne des manuels de communication de crise. Au lieu de se justifier, Bardella change de cible. Il refuse le piège tendu par la Première ministre et décide, à son tour, de sortir ce que la vidéo qualifie “d’arme nucléaire de la politique française” : François Mitterrand.

Sur les ondes de RTL, la réplique est cinglante. Bardella ne défend pas son parti, il attaque l’accusatrice. “Je pense que quand on est premier ministre de la République française, on ne se comporte pas comme un chef de gang”, lance-t-il, le ton grave. Les mots sont choisis pour dépeindre une Première ministre qui aurait franchi une ligne rouge, indigne de sa fonction. “Ces propos sont pitoyables, qu’ils sont extrêmement graves”, enchaîne-t-il. Il se place non pas en accusé, mais en victime d’une “manipulation de l’histoire de France” visant à “salir un parti politique”.
Bardella comprend que sa force réside dans sa base électorale. Il étend l’insulte, la transformant d’une attaque contre le RN à une attaque contre des millions de Français. Il parle des “42 % des Français” de l’élection présidentielle, exige des “excuses” de la Première ministre, et glisse, non sans malice, que le Président de la République lui-même a été “amené à la recadrer”. Le message est clair : Borne est isolée, irresponsable, et a mis le Président dans l’embarras.
Mais le débat ne s’arrête pas là. La journaliste en face de lui, factuelle, ramène le dossier sur la table. Elle rappelle que le terme “héritier”, au sens de “successeur”, n’est pas “complètement faux”. Elle égrène les noms qui hantent le RN : “Le RN a succédé au Front National. Et parmi les fondateurs du FN, on trouve Jean-Marc Le Pen, Pierre Bousquet, ancien SS qui dépose à l’époque les statuts, il y a aussi François Brigneau qui lui a été condamné pour collaboration avec l’ennemi nazi.” La journaliste conclut, implacable : “On est factuellement, historiquement, dans l’héritage de Pétain.”
Le piège se referme-t-il sur Bardella ? Le voilà contraint de s’expliquer sur ce passé qui colle à la peau de son mouvement. Sa parade est habile. D’abord, il joue la carte de la distance générationnelle : “Madame, je suis le président du rassemblement national, je suis né en 1995.” C’est une manière de dire : “Cette histoire n’est pas la mienne, ne me parlez pas d’un temps que je n’ai pas connu.”
Ensuite, il applique la stratégie du “oui, mais”. Si on parle d’Histoire, dit-il, “il faut être complet”. Il concède la présence de figures sombres mais contrebalance immédiatement en affirmant qu’à la création du FN, “il y avait […] des gens qui étaient dans la Résistance”, citant le nom de Georges Bidault, “successeur de Jean Moulin à la tête du Conseil national de la Résistance”. L’histoire est complexe, semble-t-il dire, et personne n’a le monopole de la vertu.
C’est alors qu’il peut enfin déployer sa contre-attaque sur Mitterrand, préparée dès le début. Il rappelle que Madame Borne “a été pendant très longtemps au Parti socialiste”. Et ce même parti “a fait lire un président de la République, monsieur Mitterrand, qui a reçu des mains du maréchal Pétain la Francisque, c’est-à-dire la plus haute distinction du régime de Vichy”. Il ne s’arrête pas là, évoquant Mitterrand comme un “compagnon de route d’un des administrateurs du régime de Vichy, monsieur Bousquet”.

La manœuvre est brillante. Il utilise la même logique que celle de Borne pour la retourner contre elle. Il pose la question rhétorique qui tue : “Est-ce que pour autant ça m’autorise à dire que madame Borne est l’héritière de monsieur Pétain ?” La réponse fuse, magnanime en apparence : “Non.”
Ayant ainsi neutralisé l’accusation par un effet miroir dévastateur, il peut porter l’estocade. Non, Borne n’est pas l’héritière de Pétain. En revanche, assène-t-il, “elle est l’héritière d’une bêtise”. Le mot est lâché. L’attaque n’était pas seulement une faute morale, c’était une faute intellectuelle. Bardella dépeint une Première ministre acculée, en proie à “une pauvreté intellectuelle” et une “méconnaissance de l’histoire”, dont le seul but est de “salir des millions de Français qui sont des patriotes sincères” et pour qui le RN “représente un espoir”.
Le débat est clos. Bardella a réussi à transformer une accusation mortelle en une tribune pour son mouvement. Il conclut par une affirmation gaulliste, se réappropriant le “bon” côté de l’Histoire : “Je ne suis pas à la tête d’un parti héritier de Pétain. Je considère que la France était à Londres en 1940 au côté du général de Gaulle.”
Cet échange, d’une densité politique rare, illustre à la perfection le cynisme de la conclusion de la vidéo : “Moral de l’histoire : en politique, quand on est coincé par son propre passé, le meilleur moyen de s’en sortir, c’est de parler de celui des autres.”
Nous avons assisté à un “chaos monumental”, non pas parce que l’Histoire a été convoquée, mais parce qu’elle a été instrumentalisée avec une brutalité calculée. Élisabeth Borne a tenté un coup de poker pour briser l’image de son principal adversaire. Elle a sous-estimé la capacité de ce dernier à retourner l’arme contre elle, en utilisant une figure intouchable de la gauche, François Mitterrand, pour créer une équivalence morale.
Au final, cette bataille mémorielle ne dit rien de nouveau sur le passé. Elle dit tout de la fébrilité du présent. Elle montre une majorité présidentielle cherchant désespérément à recréer un “front républicain” en diabolisant son opposant, et un Rassemblement national qui a parfaitement appris les codes de la rhétorique pour non seulement parer les coups, mais les rendre avec une efficacité redoutable. L’Histoire, dans cette affaire, n’est qu’un champ de bataille où le but n’est pas la vérité, mais la victoire politique. Et à ce jeu, Jordan Bardella a démontré qu’il était un adversaire redoutable.
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