Nagui fait chanter la France entière à travers ses émissions cultes, mais ce que peu de gens savent, c’est que derrière cette success story audiovisuelle se cache un chiffre vertigineux : près de 100 millions d’euros versés à sa société via France Télévisions. Une somme qui soulève des interrogations : quel est le vrai coût de son omniprésence sur les écrans ? Peut-on encore parler de service public quand un seul homme concentre autant de pouvoir et d’argent ? Enquête sur un cas unique dans le paysage audiovisuel français. Cliquez sur le lien pour lire la suite.

Jusqu’où la télévision publique est-elle prête à aller pour payer ses stars ? La direction de France Télévisions est une nouvelle fois confrontée à cette délicate question dans la négociation de la prolongation du contrat de Nagui. Selon nos informations, le précédent contrat du producteur, qui doit une grande partie de sa carrière au service public, prévoyait pour la période de 2017 à 2020 un montant total de 100 millions d’euros.

Nagui : un visage familier… et un chiffre qui dérange

À la télévision française, peu d’animateurs jouissent d’une popularité aussi solide que celle de Nagui. Depuis des décennies, il enchaîne les succès : Taratata, N’oubliez pas les paroles, Tout le monde veut prendre sa place, autant d’émissions devenues des piliers du service public. Mais derrière ce parcours sans faute, un chiffre émerge et fait grincer des dents : 100 millions d’euros. C’est la somme estimée que France Télévisions aurait versée à ses sociétés de production sur plusieurs années. Une révélation qui suscite interrogations, voire indignation.

Car Nagui n’est pas qu’un animateur. Il est aussi producteur, à travers sa société Air Productions. Et c’est là que la situation se complique. Contrairement à ce que beaucoup imaginent, France Télévisions ne produit pas tous ses programmes en interne. Elle fait régulièrement appel à des sociétés privées, souvent dirigées… par les animateurs eux-mêmes. Dans ce modèle, Nagui est roi.

Air Productions, créée en 1993, a produit la plupart des émissions que Nagui anime. Ainsi, pour chaque diffusion, France Télévisions verse un montant à cette société. Sur plusieurs années, cela représente une fortune colossale. Selon certaines sources, les contrats conclus auraient permis à Air Productions d’engranger jusqu’à 100 millions d’euros au total. Bien que parfaitement légal, ce système pose une question simple : peut-on parler de conflit d’intérêts quand un animateur se retrouve à la fois devant et derrière la caméra… et qu’il facture sa propre prestation ?

Les défenseurs de Nagui rappellent que le succès de ses émissions justifie ces montants. N’oubliez pas les paroles, par exemple, est l’un des rares programmes à concurrencer TF1 dans sa case horaire. Il attire chaque jour plus de deux millions de téléspectateurs. Un score d’audience qui garantit une visibilité maximale pour les annonceurs… et une rentabilité certaine pour le diffuseur. “Nagui est une valeur sûre”, entend-on souvent dans les couloirs de France Télévisions. Mais à quel prix ?

Certains observateurs critiquent l’opacité des contrats signés avec les producteurs externes. Car si le service public est censé rendre des comptes, notamment sur l’utilisation de l’argent public, les montants versés aux sociétés de production sont rarement détaillés. Le fait qu’un animateur aussi présent à l’antenne touche indirectement une telle somme soulève donc une question de transparence.

Le débat est d’autant plus vif que le contexte budgétaire de France Télévisions est tendu. La suppression progressive de la redevance audiovisuelle, décidée en 2022, a mis en péril une partie du financement de l’audiovisuel public. Dans ce climat, les révélations sur les sommes versées à certaines figures emblématiques passent mal. D’autant plus que d’autres animateurs-producteurs, comme Stéphane Bern ou Michel Cymes, suscitent les mêmes suspicions.

Nagui, de son côté, assume. Dans plusieurs interviews, il a expliqué que produire ses émissions lui permettait d’avoir une liberté créative plus grande, d’éviter les lourdeurs administratives et de garantir une qualité constante. Il insiste aussi sur le fait qu’il ne perçoit pas de salaire en tant qu’animateur salarié de France Télévisions, mais qu’il est rémunéré en tant que prestataire via sa société. Une nuance importante juridiquement, mais qui peine à convaincre certains détracteurs.

Ce système, bien que courant dans l’audiovisuel, reste mal compris du grand public. Pour beaucoup, il est choquant qu’un animateur du service public puisse ainsi amasser une fortune avec de l’argent censé financer une télévision accessible à tous. Pour d’autres, c’est le reflet d’une professionnalisation du secteur, où seuls les plus efficaces parviennent à tirer leur épingle du jeu.

Le cas Nagui cristallise donc plusieurs tensions : la question du rôle du service public, celle de la rémunération des figures télévisuelles, et celle de la transparence des marchés passés avec les producteurs. Il soulève aussi un problème plus large : la difficulté pour France Télévisions de produire en interne, faute de moyens, et sa dépendance croissante à des prestataires externes. Une dépendance qui coûte cher.

Mais Nagui n’est pas seulement un entrepreneur avisé. Il reste, aux yeux du public, un visage sympathique, drôle, bienveillant, parfois engagé. Ses prises de parole sur l’écologie, la santé ou les droits humains sont régulièrement saluées. Il incarne un équilibre rare entre divertissement populaire et conscience sociale. C’est sans doute cette image qui, pour l’instant, le protège de critiques plus virulentes.

Pourtant, la révélation des chiffres change la donne. Même ses plus fidèles admirateurs s’interrogent. Peut-on aimer un animateur tout en remettant en cause son système économique ? Peut-on apprécier un programme sans cautionner la manière dont il est financé ? Autant de questions sans réponse simple.

Ce qui est certain, c’est que Nagui incarne à lui seul une transformation de la télévision française. Il n’est plus seulement un animateur : il est une marque, une entreprise, un empire. Et dans ce nouvel ordre médiatique, les frontières entre service public et intérêts privés deviennent de plus en plus floues.